La visite de Mahmoud Abbas à Alger intervient dans un contexte régional marqué par la relégation de la question palestinienne au second plan dans l'agenda international. Pis encore, a un moment où les pays arabes tournent le dos à ce qu'ils appelaient jadis "la mère des causes" arabes, au profit d'un rapprochement stratégique avec l'Etat d'Israël. C'est par un communiqué laconique que la présidence de la République a annoncé, samedi dernier, la visite de trois jours en Algérie - depuis hier dimanche - du chef de l'Autorité palestinienne. Si le texte est court, le contexte lui est extrêmement chargé. D'abord la redistribution des cartes de la géopolitique régionale avec le rapprochement "stratégique" entre le Maroc et Israël qui est perçu comme une "un coup de poignard dans le dos" des Palestiniens. Il ne fait aucun doute que la lune de miel entre le royaume alaouite et l'Etat hébreu a autant suscité le mécontentement de l'Algérie que de l'Autorité palestinienne. Il faut rappeler que cette visite d'Etat, sur invitation du président Abdelmadjid Tebboune, avait été annoncée en amont par le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad al-Maliki, qui a également indiqué qu'Alger veut s'entretenir des préparatifs du prochain sommet de la Ligue arabe, qui aura lieu à Alger fin mars 2022. "La question palestinienne sera le point central de l'ordre du jour du sommet d'Alger. Ils veulent aussi connaître les attentes de la Palestine lors de ces préparatifs", a ajouté le ministre palestinien. En excluant le Maroc de sa tournée dans les pays du Maghreb, Mahmoud Abbas est attendu à Tunis après la fin de sa visite en Algérie et zappe ainsi l'étape marocaine dont il aurait "rejeté" l'invitation. L'invitation de Tebboune ne peut être lue que comme une réaffirmation de la position algérienne vis-à-vis de la cause palestinienne en la replaçant au centre des intérêts arabes. Un engagement renouvelé par le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, qui avait déclaré que "nous recevrons le président palestinien Mahmoud Abbas avant la fin de l'année pour confirmer nos positions historiques en faveur de la cause palestinienne". Toutefois, cette intention risque de connaître de sérieuses résistances de la part des monarchies du Golfe tant ces pays ont fait de la normalisation avec Tel-Aviv une priorité absolue. En effet, les Emirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc ont normalisé, ces deux dernières années, leurs relations avec Israël sous la houlette des Etats-Unis. Un front commun qui voit en l'Algérie un adversaire à éliminer sinon à affaiblir pour le compte de l'Etat hébreu qui ne cache plus son animosité envers les Algériens. L'engagement sans faille d'Alger aux côtés des Palestiniens irrite aussi bien les capitales arabes qu'Israël dans la mesure où c'est pratiquement le seul pays qui milite pour la cause palestinienne "sans conditions ni diktats (...) ce qui la distingue d'autres pays" comme l'a affirmé l'ambassadeur de l'Etat de Palestine en Algérie, Amine Makboul. Ce dernier avait aussi rappelé le discours du Président algérien dans lequel il a affirmé que l'Algérie ne participera pas à la normalisation avec l'entité sioniste et que la cause palestinienne demeure sacrée. Amine Makboul a également indiqué que l'Algérie, vu son poids arabe, islamique, africain et international, est "plus habilitée que les autres" à réaliser l'unification arabe et diriger un axe diplomatique en vue de défendre le peuple palestinien. L'autre axe qualifié d'important lors de cette visite est la mise en place d'une stratégie commune entre l'Algérie et la Palestine afin de réussir à empêcher Israël à adhérer à l'Union africaine (UA) en tant qu'observateur lors du sommet africain prévu au mois de février 2022. Rappelons qu'en novembre dernier, Ramtane Lamamra avait condamné la campagne menée par Rabat en faveur de l'octroi à Israël du statut d'observateur à l'UA. "Tous les pays arabes et africains membres de la Ligue arabe et de l'UA, de la Mauritanie jusqu'à l'Egypte, ont été contre l'octroi du statut d'observateur à Israël à l'exception du royaume du Maroc qui a mené campagne en faveur de ce statut", avait déploré le ministre algérien des Affaires étrangères.