Alors qu'elle devait être une mesure exceptionnelle liée à la situation sanitaire, le recours aux procès à distance semble être devenu la règle. Hier, le coordonnateur du MDS, Fethi Ghares, a, une nouvelle fois, refusé de comparaître par visioconférence depuis sa prison. "Fethi Ghares est un président d'un parti politique. Après six mois de prison, il n'a pas encore droit à un procès équitable. On lui interdit un procès en présentiel pour des raisons sanitaires, alors que toutes les mesures anti-Covid ont été levées. Les salles des fêtes tournent à plein régime et on y a même organisé une campagne électorale. Pourquoi refuse-t-on à un président d'un parti politique de se défendre et de comparaître devant le juge ? C'est un procès politique." À 10h30, hier matin, quelques minutes seulement après le report, pour la deuxième fois, du procès de l'homme politique Fethi Ghares, son épouse, Messaouda Cheballah, pousse un véritable cri de colère dans la cour du tribunal de Baïnem (Bab El-Oued). Elle dénonce la décision de la justice de reporter, pour la deuxième fois, le procès du coordinateur du Mouvement démocratique et social (MDS) Fethi Ghares. Pour l'épouse du détenu d'opinion, les raisons sanitaires liées à la Covid-19, invoquées par la justice pour justifier la comparution du prévenu par visioconférence, ne peuvent, en aucun cas, constituer une raison recevable. Le procès devait initialement se tenir le 5 décembre au tribunal de Baïnem, mais M. Ghares a refusé un procès à distance, exigeant d'être présent dans le tribunal pour se défendre. Son procès a été renvoyé au 26 décembre. Hier, une nouvelle fois, Fethi Ghares a refusé de comparaître à distance, depuis sa prison d'El-Harrach. Un de ses avocats, Me Bouchachi, a dénoncé "une entorse à la justice", privant le détenu de son droit, pourtant garanti par la Constitution, à un procès équitable. "Rien ne justifie aujourd'hui le recours à des procès à distance par visioconférence. Les mesures barrières contraignantes contre la Covid-19 ne sont plus en vigueur. Pourquoi maintenir les comparutions à distance ?", s'est interrogé l'avocat, avant d'ajouter que "Fethi Ghares tient à avoir un procès équitable. Il tient à se défendre devant le juge en présentiel, et non par visioconférence". Plusieurs personnalités politiques ont dénoncé, à leur tour, "le recours abusif aux comparutions par visioconférence", sous prétexte de la situation sanitaire. Outre le fait que la situation sanitaire s'est beaucoup améliorée, beaucoup jugent que les procès à distance sont loin de garantir les droits des détenus. "Les procès à distance (depuis la prison) ne garantissent pas toutes les normes d'un procès équitable", a écrit, hier, le vice-président de la Ligue des droits de l'Homme, Saïd Salhi, sur sa page Facebook, en réaction au report du procès de Fethi Ghares. En octobre dernier, l'Union nationale de l'Ordre des avocats (Unoa) avait interpellé les autorités sur cette mesure (exceptionnelle) devenue la règle depuis plus d'une année. Dans un communiqué, l'Unoa a qualifié le recours à cette mesure "d'atteinte aux droits des détenus", en expliquant que la comparution à distance ne garantit pas aux détenus d'"interagir avec le juge et de se défendre, comme lors d'un procès normal, où les accusés sont face aux juges". Arrêté le 30 juin à Alger, Fethi Ghares, figure active du Hirak, est poursuivi pour "atteinte à la personne du président de la République, outrage à corps constitués, diffusion d'informations pouvant porter atteinte à l'unité nationale et diffusion d'informations pouvant porter atteinte à l'ordre public".