La machine répressive qui s'est abattue depuis de longs mois sur les irréductibles du Hirak n'est visiblement pas près de s'arrêter, signe d'une volonté d'empêcher toute velléité d'organisation citoyenne ou autres initiatives autonomes. Et ce qui s'est passé jeudi dernier, au centre-ville de Béjaïa, n'est guère anodin. Une quinzaine de citoyens, dont des militants du Hirak, qui s'apprêtaient à se rendre au domicile familial du détenu d'opinion Zahir Moulaoui, ancien policier de Béjaïa qui avait rejoint les rangs du mouvement populaire en mars 2019, se sont fait embarquer par la police, alors qu'ils étaient attablés dans une cafétéria, située non loin du palais de justice de la ville des Hammadites. "Vers 14h30, des éléments de la police nous ont interpellés dans une cafétéria pour nous conduire au commissariat central. Nous étions 14 citoyens à être auditionnés sur des procès-verbaux. Ce n'est que vers 17h30 que nous avons été relâchés", a déclaré, à Liberté, Merzoug Touati, blogueur et ancien détenu d'opinion qui fait partie des personnes interpellées par la police. "On voulait rendre visite à la famille de notre ami Zahir Moulaoui qui se trouve à la prison de Koléa (Tipasa), afin de lui remonter le moral et lui exprimer notre soutien. Néanmoins, cet élan de solidarité envers les prisonniers politiques semble déranger les tenants du pouvoir", a-t-il déploré. Ces arrestations n'ont pas laissé indifférent le nouveau cadre organisationnel créé récemment par des membres de la communauté universitaire de Béjaïa, appelé "Noyau d'étudiants, d'enseignants et de travailleurs ATS". Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, les ATS ont tenu à dénoncer l'arrestation "arbitraire" dont ont fait l'objet 14 militants pour "délit de solidarité !". "On les a empêchés de rendre visite à la famille du militant et détenu d'opinion Zahir Moulaoui", a-t-on précisé dans le même document. De son côté, l'avocat des hirakistes et défenseur des droits humains à Béjaïa, Me Mourad Zenati, a estimé que "ce qui s'est passé aujourd'hui à Béjaïa est grave et inacceptable". "Des militants et activistes politiques attablés dans une cafétéria ont été victimes d'arrestations abusives. C'est une atteinte grave aux libertés. Je dénonce vigoureusement ces arrestations", a-t-il écrit sur sa page facebook. Par ailleurs, le procès en appel des 32 manifestants interpellés lors de la marche du 19 juin 2020, à Béjaïa, est programmé pour le dimanche 2 janvier prochain, a indiqué le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Ces 32 manifestants mis en cause avaient été relaxés en première instance, à la faveur d'un jugement rendu le 8 avril dernier par le tribunal correctionnel de Béjaïa. Ils sont poursuivis pour les chefs d'inculpation d'"attroupement non armé" et "mise en danger de la vie d'autrui en période de confinement". Dans le même contexte, le syndicaliste du Snapap et activiste du Hirak originaire d'Aokas, Karim Djidjeli, vient de recevoir une convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Béjaïa pour le 23 janvier prochain. Ce fonctionnaire de l'APC d'Aokas est poursuivi pour "attroupement non armé" en vertu de l'article 439 du code pénal. Rappelons que le même militant avait été condamné, en août 2020, à une amende de 100 000 DA pour "atteinte au président de la République", avant d'être relaxé, le 3 février dernier, par la cour d'appel de Béjaïa.