Malgré quelques succès militaires contre les terroristes islamistes, fortement médiatisés, la junte au pouvoir au Mali sait que sans l'aide internationale, le pays peut s'effondrer comme un château de cartes et entraîner la sous-région dans une nouvelle crise multidimensionnelle. Après la Norvège qui a renoncé à envoyer un petit contingent de soldats au Mali, dans le cadre de la mission européenne Takuba, et le Danemark qui a été contraint de retirer ses militaires la semaine dernière, c'est au tour de l'Allemagne de brandir la menace de son retrait militaire du Mali, au lendemain de la brouille diplomatique entre la junte au pouvoir à Bamako et la France. Berlin, qui compte l'un des plus importants contingents militaires au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), avec 1170 soldats et qui constitue un des plus importants contributeurs financiers, a annoncé hier sa volonté de réévaluer son engagement dans ce pays. "Au vu des dernières mesures prises par le gouvernement malien, nous devons honnêtement nous demander si les conditions pour le succès de notre engagement commun sont toujours réunies. Notre engagement n'est pas une fin en soi", a déclaré Mme Baerbock dans une interview au Süddeutsche Zeitung. "Nous sommes en étroite concertation avec nos partenaires internationaux et l'Union européenne, notamment la France, sur la manière dont nous allons poursuivre notre engagement sur le terrain", a-t-elle affirmé. "Nous allons également aborder ces questions primordiales avec le gouvernement malien dans les prochains jours", a-t-elle ajouté. Outre son engagement au sein de la Minusma, l'Allemagne a mobilisé 328 soldats au sein de la Mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM). La veille, le ministre norvégien de la Défense, Odd Roger Enoksen, a déclaré devant le Parlement à Oslo qu'"à compter d'aujourd'hui il n'est pas d'actualité d'envoyer une force norvégienne (au sein du groupement européen de forces spéciales) Takuba", expliquant qu'"il n'a pas été possible d'établir avec le Mali un cadre juridique suffisant qui assure la sécurité de nos soldats", ont rapporté les agences de presse. D'autres pays européens pourraient eux aussi annoncer leur retrait du Mali, où la junte au pouvoir fait feu de tout bois pour rester au pouvoir, allant jusqu'à demander à l'ambassadeur de France à Bamako de quitter le pays dans un délai de 72 heures. Cela fait suite à une montée de tension avec Paris, qui a pour origine le déploiement des mercenaires russes de la société de sécurité Wagner, à laquelle a fait appel M. Goïta, après la décision de Paris de revoir sa présence militaire dans un Mali miné par l'instabilité politique, dont profitent les multinationales terroristes islamistes, Daech et Al-Qaïda, pour semer le désordre dans toute la sous-région du Sahel et restant une menace constante pour les pays du Maghreb, dont l'Algérie, chef de file de la médiation internationale pour la mise en œuvre de l'accord pour la paix et la réconciliation, à la traîne depuis presque sept ans. Ainsi, après les sanctions de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui a imposé un embargo sur le Mali, et l'Union africaine qui a affiché son soutien aux décisions de cette organisation régionale, l'étau se resserre davantage autour des militaires au pouvoir à Bamako, même s'il bénéficient pour le moment d'un soutien populaire appréciable, motivé beaucoup plus par le sentiment anti-français grandissant que par un élan de sympathie envers la junte, dont les résultats des assises de refondation du Mali avaient été rejetées par une partie des Maliens. Hier, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves le Drian, a affirmé devant le Parlement que "l'isolement du Mali est tel aujourd'hui qu'il a comme seuls partenaires les mercenaires de Wagner".