Résumé : L'enfant rejoint sa mère, et Mordjana reproche à son mari de l'avoir empêchée de le garder plus longtemps auprès d'elle. Pire, elle insinue que si les parents de ce dernier ne s'étaient pas manifestés, elle n'aurait pas hésité à le kidnapper. Samir est outré. Sa femme devient tout bonnement folle. Excédé, Samir s'écrie : - Cela suffit, Mordjana ! Rendors-toi, si tu veux, et oublie tout ce que tu viens de débiter. C'est insensé. - Il est tout à fait normal pour une femme mariée de désirer enfanter. - C'est tout à fait légitime. Mais pas au prix de sa liberté et de sa dignité. Je t'avais déjà proposé l'adoption pour autant. Elle baisse les yeux et se met à se ronger les ongles. Samir remarque les larmes qui brillent dans ses yeux, mais fait semblant de n'avoir rien vu. Il enclenche la vitesse et redémarre. Mordjana ferme les yeux et rejette se tête en arrière. S'est-elle rendormie ? Samir secoue la tête. Sa femme devient folle. Son désir d'enfant la rend si malheureuse qu'il craint pour sa santé mentale. Il tient le volant d'une main ferme et conduit aussi lentement que possible, afin d'éviter à Mordjana les soubresauts du véhicule. Au milieu de l'après-midi ils arrivent à Constantine. Mordjana se redresse sur son siège et se contente de regarder les paysages qui défilent sous ses yeux, tout en se confinant dans un silence lourd de sous-entendus. Vers la mi-journée, Samir lui a proposé de faire une pause pour déjeuner. Mais elle a secoué catégoriquement la tête. Sa gorge est nouée. Elle n'arrive pas à avaler quoi que ce soit. Il décide alors de battre en retraite et de continuer la route. Il se sent fatigué et aurait aimé se reposer un moment et prendre une douche. Sans plus attendre, il cherche un hôtel non loin de l'entrée de la ville et fait descendre leurs bagages, avant de précéder sa femme pour demander une chambre. Mordjana dépose son sac sur une table basse et se laisse tomber toute habillée sur son lit. - Tu n'as pas faim ? Elle secoue la tête. - Non, je n'ai pas faim. Si tu veux manger quelque chose, vas-y. Moi, je préfère me reposer. - Mais tu n'as rien pris depuis le dîner d'hier soir. Même ce matin, tu as refusé ton petit-déjeuner. Elle hausse les épaules. - Cela ne me tuera pas. Je n'ai pas envie de manger. Voilà tout. Il la regarde un moment, avant de décrocher le téléphone et de demander un déjeuner. - Tu ne veux pas descendre au restaurant ? lui demande-t-elle. Il fait la moue. - Pourquoi descendre au restaurant si tu ne m'accompagnes pas ? Je ne veux pas manger en regardant les murs. - Il doit y avoir du monde dans cet hôtel. Tu as remarqué tous ces véhicules garés à l'entrée et dans le parking ? - Tant mieux. Nous n'allons pas nous sentir seuls alors. Elle ébauche un sourire. - Je voulais juste te dire que tu ne risques pas de manger en solitaire au restaurant. - J'ai compris le message, Mordjana. Mais il se trouve que j'ai envie de manger avec ma femme, pas avec quelqu'un d'autre. On frappe à la porte. Samir se lève pour ouvrir au serveur, qui dépose sur la table basse un grand plateau, avant de se retirer. Le jeune homme y jette un coup d'œil, puis se met à humer les odeurs que dégagent les mets qu'on venait de servir. - Hum ! La chorba me semble succulente. Il y a aussi des hors-d'œuvre et un plat de courgettes farcies. Tu ne veux toujours pas manger, Mordjana ? Elle se relève sur un coude et jette un coup d'œil aux plats. - Je n'ai pas faim. Mange. Bon appétit, Samir. Il se sert quelques cuillerées de chorba et s'assoit pour manger. Mordjana le regarde. Elle l'aime tant, se dit-elle. Elle l'aime d'un amour si profond qu'elle en souffre. Samir est tout ce qu'elle a de précieux dans ce monde, et elle ne voudrait ni le blesser ni le rendre malheureux. Elle se rappelle de la scène du matin et se sent honteuse. Le petit était adorable, certes, mais elle n'aurait pas dû dévoiler ses fantasmes. A-t-on idée de vouloir garder un enfant qui n'est pas le sien et qu'on a rencontré au gré du hasard avec ses parents ?
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