Au terme d'une guerre de Libération implacable, les Accords d'Evian ont scellé la fin de la longue nuit coloniale. La délégation algérienne, conduite par Krim Belkacem, avait obtenu ce qui restera dans l'Histoire comme une retentissante victoire politique et diplomatique de l'Algérie combattante sur une puissance impérialiste. Il y a soixante ans, le 19 Mars 1962, entraient en vigueur les Accords d'Evian qui décrétaient le cessez-le-feu entre les combattants algériens et la toute-puissante armée française, et mettaient fin à 132 ans d'une occupation indigne. Paraphé la veille par la délégation du FLN et du GPRA, menée par Krim Belkacem, et les représentants du gouvernement français conduits par Louis Joxe, le document historique concluait une année et demie de pourparlers et de négociations secrètes sur les conditions du départ, qui devenait inéluctable, de l'occupant français. Ainsi, les Accords d'Evian qui allaient mettre fin à une guerre implacable qui a duré sept ans et demi, tournent définitivement la page sombre de la colonisation. La lutte armée, doublée d'une bataille diplomatique exceptionnelle où les militants indépendantistes ont réussi à gagner l'opinion internationale à la cause algérienne, a eu raison d'un ordre colonial des plus injustes. Des jeunes militants forgés dans les maquis ont réussi à isoler la France sur la scène internationale et les dirigeants français se devaient de sortir de cette mauvaise posture. "La France était condamnée sur le plan international par l'ONU qui avait reconnu le droit à l'indépendance de l'Algérie. De plus, un mouvement de décolonisation existait à l'échelle mondiale, ce qui poussait la France à accepter cette indépendance. Enfin, le général de Gaulle voulait se tourner vers d'autres objectifs, en particulier l'Europe", a expliqué l'historien Benjamin Stora dans les médias en 2018. Ce dont Mohamed Harbi, qui faisait partie des hommes ayant élaboré la feuille de route pour les négociateurs du GPRA, a témoigné il y a quelques jours sur TV5 Monde, confirmant l'inéluctabilité de l'indépendance de l'Algérie en ce printemps 1962. "(...) Nous étions reçus dans les ambassades. Nous avions des passeports diplomatiques tunisiens ou marocains et puis nous avons eu ensuite nos propres passeports du GPRA, valables dans tout le Tiers-Monde. Les Français étaient dans une situation compliquée internationalement. La France était isolée. Il fallait que les Français sortent de cette situation difficile (...)", a-t-il témoigné. Si elle était contrainte au départ, la France n'était pas disposée du tout à tout abandonner, surtout pas la région du Sahara et son pétrole. Point d'achoppement qui, en 1961, avait fait capoter les pourparlers jusqu'à ce que le président français reconnaisse, dans un discours, la souveraineté de l'Algérie sur l'intégralité de son territoire, le Sahara y compris. La France pouvait continuer ses essais nucléaires dans le Grand Sud (le dossier des indemnités n'a pas encore été réglé), garder la base militaire de Mers El-Kébir pendant quelques années encore, le GPRA avait réussi l'exploit de faire respecter les objectifs de la déclaration du 1er Novembre 1954 : le recouvrement de la souveraineté nationale, l'intégrité du territoire et l'unité du peuple algérien. "Pour nous, c'était une très grande victoire. Mais je ne dis jamais que nous avons gagné la guerre. Nous étions disposés à la paix. C'était le cas des Français aussi, de plus en plus isolés internationalement. Pour moi, l'indépendance était un espoir sans rivages. Mais les luttes internes au sein du FLN ont rapidement repris le dessus. Nous sommes arrivés le 3 juillet 1962 en Algérie au moment où les luttes internes s'installaient parmi les combattants", a encore témoigné Mohamed Harbi. Soixante ans ont passé depuis que Krim Belkacem, Rédha Malek, Saad Dahlab et leurs compagnons ont acté la Victoire du 19 Mars 1962. Pourtant, cette journée ne soulève pas l'enthousiasme en Algérie. La faute, sans doute, au parcours chaotique de l'Algérie indépendante et ses virages ratés. Ce que résume avec beaucoup d'amertume le même Mohamed Harbi : "Avec le développement de certaines richesses, on aurait aimé que le pays sorte du sous-développement et se débarrasse de cette barbarie interne. Cela reste une plaie. (...)".