Ancienne journaliste et éditrice à Oran, Jamila Rahal est également organisatrice d'événements littéraires et autrice de livres de jeunesse. "Tu es plus libre que tes geôliers" (éditions Casbah) est son premier roman. Rencontrée au 25e Sila, elle évoque sa passion pour l'histoire et sa reconversion en romancière. Liberté : Vous venez de signer votre premier roman historique. Comment est né ce projet ? Jamila Rahal : Tu es plus libre que tes geôliers est mon premier roman, et il a mûri durant un certain temps avant son écriture et sa publication. Quand je suis arrivée à ce stade de ma vie où celle de mes enfants s'est détachée un peu de la mienne, j'ai retrouvé du temps pour moi et cela m'a permis de me consacrer réellement à l'écriture. C'est un roman historique et non un livre d'histoire ni une autobiographie ; tous les personnages sont fictifs, et ce, même s'ils évoluent dans un contexte historique bien déterminé, qui est celui de l'Algérie coloniale (1890-1954). La matière historique évidemment, c'est le matériau essentiel, le fil conducteur pour construire ce récit romanesque. En fait, le volet réel consiste en des évènements très importants survenus à l'époque, comme la conscription obligatoire des musulmans en 1912, les Guerres mondiales 1re et 2e, avec leur sinistre épilogue du massacre du 8 mai 45, le crash boursier de Wall Street, la montée du mouvement national avec toutes ses couleurs jusqu'à l'explosion finale du 1er Novembre 1954. Tous ces évènements ont impacté mes personnages d'une manière ou d'une autre. Pour son écriture, avez-vous réalisé des recherches approfondies ? J'ai eu la chance d'avoir un papa féru d'histoire. Depuis mon plus jeune âge, j'ai pris l'habitude d'être entourée de livres d'histoire ; j'étais attirée par mon père durant sa lecture, avant d'être attirée par la lecture du livre. Quand mon père lisait, il avait des expressions sur le visage ; il avait une lecture qui s'apparentait au spectacle et cela m'a toujours fascinée. Quand, j'ai eu du temps pour moi, je me suis dit alors : "J'ai la prédisposition, la patience et l'envie pour le faire". Mais malgré ma passion pour l'histoire, je ne suis pas une experte ; alors j'ai réalisé en amont un travail colossal et l'écriture m'a pris trois ans. Durant ces trois années, une bonne partie a été consacrée à la recherche. J'ai lu certains livres brièvement, d'autres d'une manière plus approfondie et quelques-uns pour retrouver les différentes ambiances du passé, par exemple les chansons, les plats ou les restaurants fréquentés, les films, la mode vestimentaire... J'ai effectué ces recherches afin de donner plus de chair et de profondeur possible à mes personnages, et ce, pour mieux les camper. J'ai aussi fouillé mes mémoires, dans les bas-de-pages, les adages sont traduits en arabe. Ma mère parlait comme si elle déclamait un poème, elle est très imprégnée de sa ville, Tlemcen. À cet effet, pour donner plus de chair à mes personnages, ils parlent comme ma mère ! D'ailleurs, toutes les parties intimistes du livre, à l'exemple de disputes entre belles-mères ou belles-filles, je les pense en arabe dialectal pour les traduire en français, contrairement à la partie historique, qui est pensée en français. C'était très important pour moi de le traduire à ma manière ! Je suis issue d'une famille de tradition orale, donc j'ai essayé de retranscrire cette oralité le mieux possible. Du livre jeunesse au roman... quelle voie pensez-vous poursuivre ? Comme expliqué, je viens d'une famille de tradition orale, j'ai commencé avec mes enfants en leur racontant des histoires de mon invention. Je m'amusais à lire les émotions sur leur visage comme la tristesse, la joie, le soulagement... Je me suis mise alors à l'écriture de ces histoires. Aujourd'hui, je continue à écrire des livres jeunesse, mais personnalisés pour mes petits-enfants, d'ailleurs, c'est ce que je leur offre pour leurs anniversaires. Et l'écriture jeunesse reste attacher à mon côté maman et mamie. Mais ma reconversion c'est le roman, c'est ce que j'ai envie de faire.