Les habitants de Haï El-Nasr, un quartier inauguré par le président Ben Bella en 1965, n'en peuvent plus de vivre sans eau, sans raccordement de gaz et dans un environnement qui se dégrade de jour en jour. Réseau d'assainissement, branchement en gaz naturel, routes en très mauvais état, insécurité, régularisation administrative des bénéficiaires de lots de terrain depuis 1991 au niveau du site Cadat, transport scolaire sont, entre autres, les revendications que la population a soumis officiellement aux autorités locales. Haï Ennasr était en ébullition. Beaucoup de pères de famille ont déserté leur poste de travail pour être présents à ce que certains ont qualifié d'Intifadha. “Notre cité a été inaugurée par le premier président de l'Algérie indépendante Ahmed Ben Bella. Depuis les premières années de l'Indépendance, rien n'a été fait pour ce grand quartier où vivent plus de 500 familles. Nous avons été toujours pris pour des laissés-pour-compte. Sinon comment expliquer que la partie d'El Hamiz dépendant de la commune de Dar El-Beida est mieux lotie que nous”, dira un manifestant. On nous invite à faire un bout de chemin à l'intérieur du quartier où les routes ressemblent plutôt à des sentiers. Les automobilistes, dont les mécaniques sont mises à rude épreuve, ont été les premiers à se plaindre. Pour ceux qui n'en ont pas, la gadoue et les mares sont un quotidien auquel il faut s'adapter durant toute la saison hivernale. On nous montre un tronçon de route qui devra en principe être goudronné dans quelques jours. “C'est parce qu'un haut responsable procédera à l'inauguration de l'annexe de l'APC. Sinon rien ne sera fait”, ironise l'un de nos accompagnateurs. Au passage, nous constatons que l'adduction en eau potable n'a pas été faite comme il se doit. Des bouts de caoutchouc et de tissu sont utilisés pour colmater les fuites. L'on se demande de quelle manière les responsables peuvent-ils justifier un tel bâclage. “Pourquoi cette annexe n'est pas fonctionnelle alors qu'elle est prête depuis près de six mois ?” s'interroge Mohamed. Le lotissement ne ressemble en tout cas à rien. Complètement négligé. D'autres revendications considérées comme secondaires sont aussi à l'ordre du jour des habitants comme le marché quotidien, l'alimentation de l'école en mazout pour le chauffage, l'indemnité de scolarité, un poste de police pour assurer la sécurité de la population d'autant plus que le quartier voit se développer le fléau de la drogue et la pose de ralentisseurs vu que haï Ennasr se trouve traversé par la RN5 réputée pour le nombre élevé d'accidents de la route qui s'y produisent. De retour sur les lieux de l'émeute, les officiers supérieurs de la gendarmerie essaient de négocier avec des représentants du quartier. On leur explique que la violence n'est pas une solution. Tout en acceptant cette logique, les manifestants exigent en revanche la présence du wali délégué de Rouiba. “L'APC ne veut pas prendre en considération nos réclamations, et notre seul interlocuteur demeure le wali délégué.” Derrière le bouclier antiémeutes formé de quelque 150 éléments, le P/APC de Rouiba accompagné de ses collaborateurs s'est déplacé sur les lieux. M. Omar Koudri nous explique que l'essentiel des revendications est pris en charge par la commune. “Il y a des priorités que la population doit comprendre. Nous avons commencé par le branchement en gaz dont le problème sera réglé dans très peu de temps. On ne peut logiquement procéder au revêtement des routes alors que les travaux liés au gaz et à l'assainissement ne sont pas terminés. En somme, nous créons des désagréments en opérant le développement de la commune. Quant à l'assainissement, ce n'est plus qu'une question de jours”, rassure-t-il. À 11h30, les gendarmes avancent, précédés des éléments de la protection civile qui éteignaient les pneus enflammés. Cependant, les émeutiers ne sont pas totalement rassurés par les propos des officiers. ALI FARÈS