À 48 heures du jour “J”, l'incendie du siège du RCD, à Azazga, vient de clôturer une campagne, où le fait saillant a été l'engouement de la population. La campagne électorale, pour les élections locales partielles, prévues, jeudi prochain, en Kabylie, pour remplacer les assemblées locales dissoutes en juillet dernier par le gouvernement, s'est achevée, hier, sur fond de craintes de fraude. Cette campagne, qui jusque-là, s'est déroulée dans le calme et la sérénité, a été marquée, la veille de sa clôture, par un incident qui s'est produit, dimanche-soir, à Azazga où le siège local du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a été incendié. Une enquête a été ouverte par la police après que le parti de Saïd Sadi eut déposé une plainte contre X. Tout au long de la campagne électorale, le RCD n'a eu de cesse de mettre en garde contre les velléités de fraude. Du reste, Saïd Sadi a ouvertement accusé, samedi, lors d'une conférence de presse, le Département de renseignements et de sécurité DRS d'avoir “déjà préparé cette fraude”, en faveur notamment du FLN. Le patron du RCD a même révélé que des membres de la direction de l'ex-parti unique ont “squatté”, depuis six mois, les sièges des wilayas de Kabylie pour préparer cette fraude. Le lendemain, le Front des forces socialistes (FFS) a emboîté le pas au RCD, en affirmant que la “fraude est déjà en cours”. “Le plan mis en place par le fraudeur en chef — Ahmed Ouyahia — est d'ores et déjà mis en place”, a accusé, dimanche, le secrétaire national à la communication du parti de Hocine Aït Ahmed, Karim Tabbou, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse. Si les craintes du RCD et du FFS venaient à se confirmer lors du vote de jeudi, ce serait une première en Kabylie. Car, cette région a de tout temps été épargnée par la fraude, y compris lorsque celle-ci a été largement pratiquée ailleurs. Le recours à la fraude, lors du scrutin du 24 novembre, traduirait la volonté du pouvoir de transformer la Kabylie de bastion de la démocratie en région sous le contrôle des clientèles du régime, à en croire les accusations formulées par les partis de l'opposition. Cet objectif semble ainsi être l'enjeu principal de cette élection. Or, la tenue d'une élection partielle dans les wilayas de Kabylie, une première en Algérie, est en elle-même un signe que cette région n'est pas prête à rentrer dans les rangs. Signe des temps : le FLN, ex-parti unique, se présente en Kabylie dans la quasi-totalité des municipalités, coiffant même au poteau le RCD et le FFS, une prouesse qu'aucun de ces deux partis n'a pu réaliser depuis l'avènement du multipartisme en 1988. Difficile de mettre cette prouesse sur le compte uniquement des réseaux traditionnels du FLN dans la région. Il apparaît donc clairement que l'enjeu de cette élection est autrement plus vaste que la gestion des collectivités locales d'autant que le mandat des futurs élus est très court. L'enjeu est avant tout politique : pour les partis fortement implantés dans la région, il s'agit de reconquérir leur terrain et de relancer à partir de cette région le processus de démocratisation du pays, pour les autres formations, notamment le FLN, l'objectif primordial est d'installer ses clientèles à la tête du pouvoir local en Kabylie, jusque-là chasse gardée de l'opposition. Mais en dernier ressort, fraude ou pas, le mot de la fin reviendra aux électeurs de cette région qui ont montré un réel engouement pour cette consultation, présageant une forte participation, selon les comptes rendus des correspondants locaux des journaux. Car, une participation exceptionnelle réduirait, à coup sûr, les effets d'une éventuelle fraude. Une possibilité à ne pas exclure d'autant plus que la campagne électorale a également permis de réhabiliter le débat politique, qui, depuis les émeutes du printemps noir de 2001, avait disparu, laissant place aux gesticulations populistes et quelquefois à une violence incontrôlée. Cette campagne a aussi manifestement signé la fin du mouvement des archs qui s'étaient fourvoyés dans une démarche suicidaire qui a provoqué leur rejet par une population qui, à l'occasion de cette campagne, a clairement signifié son désir d'en finir. D'où ce retour remarqué des partis qui ont de tout temps animé la vie politique en Kabylie, à savoir le RCD et le FFS. Ces deux formations, qui depuis l'avènement du multipartisme en Algérie, se sont partagés l'essentiel de l'électorat de la région, ont été, en effet, les plus présents sur le terrain lors de cette campagne. Meetings, rencontres de proximité, conférences-débats ont été presque l'apanage de ces deux partis, qui constituent les principales forces de l'opposition. Une opposition dont le challenge consiste à barrer la route au pouvoir le 24 novembre en Kabylie, qui a toujours été le cœur palpitant de la vie politique du pays. En somme, des résultats du vote du 24 novembre dépendra le sort d'une région, confrontée, depuis plus de quatre ans, à une grave crise, ainsi que le destin démocratique de l'Algérie. Rafik Benkaci