Un premier enfant est admis à l'EHS de Mansourah où les médecins ne peuvent que constater la perte de la verge par nécrose. Un véritable drame sociomédical. Une commission d'enquête composée de 3 professeurs dépêchés d'Alger, en concert avec le médecin en chef de l'EHS de Mansourah, a consulté samedi dernier les enfants concernés et un des deux chirurgiens ayant procédé à la circoncision. Entre-temps, après le passage du ministre de la santé vendredi dernier, et l'installation de 3 commissions d'enquête dont au moins une, celle de la Direction locale de la santé n'a pas sa raison d'être puisque mise en place par une partie prenante dans le drame, des zones d'ombre continuent de persister. Avant-hier, au siège de la DSP, où le directeur était durant tout l'après-midi en réunion, selon sa secrétaire, un des pères des enfants toujours hospitalisés est venu rencontrer le premier responsable local de la santé. Ce déplacement alors qu'une cellule de suivi, y compris psychologique, est censée être installée sur place, prouve que quelque part, le dispositif mis en place reste défaillant. À l'établissement hospitalo-universitaire spécialisé de Mansourah, sur les hauteurs de la ville, 7 enfants suivent toujours un traitement d'appoint. Le directeur de l'administration, qui nous a reçus dans son bureau, s'est dit “confiant pour le reste des malades qui, à ce jour (avant-hier, ndlr), n'ont pas été touchés de façon irréversible”. Pour rappel, tout a commencé dans la nuit du 30 octobre dernier, soit le 27e jour du mois de Ramadhan quand 87 enfants de la localité de Khroub, deuxième ville de Constantine, seront circoncis “collectivement” dans une école, Bouchabaâ, juste après la prière de tarawih. L'opération a été organisée par l'APC de Khroub et le “recrutement” des enfants s'est effectué au sein de la mosquée Omar-Ibn-El-Khettab de la ville. Sollicité par le maire, le directeur du secteur sanitaire de Khroub a délégué, pour la circonstance, deux chirurgiens assistés par une équipe paramédicale et appuyés par une ambulance. La cérémonie se déroula, selon les témoignages des parents, dans les meilleures conditions. Ce n'est que le lendemain, en fin de journée, que les premiers enfants commenceront à présenter des signes de complication avec des difficultés d'uriner. Des situations usuelles dans ce genre de cas. Le 3e jour, avec les changements de pansements, le doute s'installe chez certains parents. Au niveau de la polyclinique de la ville, des ordonnances, pour palier les complications, sont prescrites aux enfants. L'un d'eux se déplacera 3 fois à la polyclinique et 3 traitements lui seront prescrits, sans efficacité. Malgré la redondance des visites des enfants avec des signes de complication, aucun signal d'alerte n'est émis. C'est toute la procédure de la gestion de l'information interne qui est mise en cause. Le 10 novembre, soit 11 jours après la cérémonie, la première alerte est officiellement donnée. “une gestion normale d'une situation pourtant de crise”. La presse locale arrive toutefois à alerter l'opinion publique et les admissions à l'EHS s'accélèrent. En tout, sept cas avec complications seront admis depuis cette date. Deux cas, malheureusement, seront désespérés. Malgré cela, et bien que le chiffre de sept cas sur 87 soit supérieur à la norme scientifique admise, le reste des 80 enfants n'a pas été astreint à une “enquête médicale préventive”. Selon une source sûre, “le chirurgien qui a effectué le geste est une compétence en la matière, réunissant le savoir-faire et l'expérience. Donc, s'il y a un problème, c'est au niveau du matériel utilisé. On parle d'un recours à la méthode de circoncision par effet de l'électro-conduction en utilisant un thermocautère. La commission doit définir le propriétaire de l'instrument utilisé. S'il appartient au secteur sanitaire ou pas”. Une autre source, un spécialiste en la matière, explique avec prudence “en attendant les conclusions de la commission installée par Alger, il est difficile de se prononcer avec exactitude. Si, toutefois, l'histoire du recours au thermocautère se confirme, la responsabilité des gestionnaires est engagée en première ligne. Déjà en 1989, une autorité scientifique en matière de chirurgie pédiatrique, Abou El-Oula en l'occurrence, a déconseillé, et par écrit, le recours à l'électro-conduction lors des circoncisions parce qu'elle engendre, comme technique, des séquelles sur la glande et les testicules provoquant la stérilité, entre autres”. Autrement dit, le suivi de l'ensemble des 87 enfants est systématique même s'ils ne présentent pas tous des symptômes apparents de complication. Ainsi, la responsabilité civile des gestionnaires du secteur sanitaire et partant de l'institution de la santé en général est mise à l'épreuve du moment où l'hôpital a mis à la disposition d'un maire, qui veut faire de la politique en instrumentalisant un rituel religieux, médecins, paramédicaux et logistique. La circoncision étant un acte médical, elle nécessite un milieu hospitalier réunissant certaines conditions dont celle de la luminosité que ne peut réunir une salle de classe. Si les familles concernées et l'opinion publique attendent peu de la commission, elles aspirent surtout à une véritable prise en charge, y compris psychologique des victimes. Pour les acteurs de cette tragédie, ils auront face à eux leur conscience, rien d'autre. M. K.