“Je suis partagé entre l'envie de retrouver mes gourbis, ma terre et mes bêtes et la crainte de me séparer de mon épouse et de mes enfants qui sont déterminés à ne pas retourner au douar”, telle est la première réaction d'un originaire du douar Bekakra relevant administrativement de la commune de Hacine. Avant d'ajouter : “Personnellement, l'odeur du crottin, de la bouse et de la terre me manque énormément car je reste attaché à mes racines mais, ma volonté se heurte au refus des autres membres de mon foyer de renoncer aux bienfaits de la vie dans un milieu urbain. Mais force est de reconnaître que le rythme de leur vie a été considérablement bouleversé puisque mes enfants sont inscrits à l'école primaire et au collège et l'aîné fréquente le lycée, une opportunité qu'ils ne trouveront pas au douar où leurs activités se limitaient à la garde des troupeaux, le travail de la terre pour les garçons tandis que les filles s'adonnaient à l'argile, l'alfa, le ramassage du bois et l'élevage. Aujourd'hui, ils découvrent un autre mode de vie et une revalorisation de leur personnalité. Même mon épouse partage le même sentiment que ses enfants et m'a clairement signifié qu'il n'est pas question pour elle de revenir au douar car elle s'est habituée aux commodités de la ville où elle dispose de l'eau, de l'électricité, du gaz et est épargnée des tâches rudimentaires comme la préparation du pain qu'elle achète chez le boulanger, aller chercher de l'eau puisqu'elle l'a à portée de main et elle ne s'éclaire plus à la bougie.” Ainsi, l'administration, par le biais de ses agents, multiplie les actions qui ont pour but de sensibiliser les ruraux à retourner au bercail. Emme bute sur les réticences des intéressés qui ont, dans un premier temps, adhéré à ce plan d'action avant de faire volte-face. Ces ruraux qui ont fui leurs biens, meubles et immeubles, à l'époque où le terrorisme sévissait, sont recensés et ont même été invités à procéder à la déclaration de tous les objets qui leur ont été saisis au cours de cette période pour une éventuelle compensation. Maintenant que le calme est revenu, ces fuyards n'hésitent pas à se rendre à leurs douars le jour pour travailler leur terre ou exercer d'autres tâches comme l'élevage mais, le soir venu, ils regagnent leur domicile dans les cités urbaines. Signe de leurs caprices, certains émettent des réserves quant aux solutions qui leur sont proposées dans ce cadre. Ils s'élèvent contre l'imposition qui leur est faite d'édifier leurs habitations en tuiles exigeant un plancher comme pratiqué en zone urbaine. Ainsi, l'Etat qui a consenti des efforts considérables pour gagner son pari est loin d'atteindre son objectif car la mentalité des ruraux a changé. A. B.