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“Le poison en héritage”
Publié dans Liberté le 01 - 12 - 2005

RéSUMé : Mahmoud est un rescapé de la guerre. Il en est revenu amputé d'une jambe. Il n'est plus le même. Il ne parle pas avec sa famille. Son père Amara ose lui en parler. Mahmoud regrette de ne pas être mort en martyre. Rabiha et sa fille le craignent, comme personne…
Jusqu'à quand va-t-il les exclure de sa vie ? demande Louiza à son mari. Cela fait des mois qu'il est rentré et il ne s'adresse même pas à sa femme…Quant à sa fille, elle a le même sort que les orphelines du village. Son père est une ombre. Il l'ignore complètement. Jusqu'à quand cela va-t-il durer ?
- Il finira par se ressaisir, dit Amara. On ne sera pas toujours ici, pour l'aider. Il faudra qu'il se mette au travail.
- Que pourrait-il faire? Dans sa situation, il n'est pas utile à grand chose, fait remarquer Louiza. Dans tout travail, on a besoin de bras mais aussi de jambes. Il ne peut pas se déplacer…qu'est ce qu'il pourrait faire? Je me le demande.
- Il y a du travail même pour les hommes comme lui, lui dit Amara. Tout à l'heure, à la place du marché, j'ai vu le cordonnier. Il est souffrant et il va bientôt arrêter. Il veut vendre ses accessoires.
- Tu ne penses tout de même pas que ? Il ne voudra pas, soupire-t-elle. Il ne connaît rien au métier.
- Il pourrait lui apprendre. Je lui ai demandé et il est d'accord. Seulement notre fils n'est pas disposé à sortir de la cour. Pourtant, un jour, il devra assurer.
- Pourquoi tu ne lui en parlerais pas ? Tu es le seul, à pouvoir lui parler, lui propose Louiza avant d'ajouter, sans crainte. Amara aborde le sujet, au moment du café. A sa grande surprise, son fils ne refuse pas. Ce serait le travail idéal. Il s'installerait derrière sa table et il n'aurait pas à courir derrière le travail. Les clients viendraient à lui. Il s'occuperait de leurs chaussures et autres.
- Je pourrais commencer quand ?
- Il faudra déjà que tu apprennes, dit Amara. Si tu veux, demain tu m'accompagnes ?
- Ou.
Louiza qui n'a rien perdu de la conversation, aurait crié de joie. Elle va dans la cuisine et apprend la nouvelle à Rabiha. Elle prend sa petite fille, dans les bras et la fait tournoyer.
- Ton père va travailler. D'ici quelques temps, il va retrouver le sourire. Il ne se sentira plus inutile… Il va ramener de l'argent à la maison, lui dit elle. Il t'achètera de jolies robes. Et quand tu seras en âge d'aller à l'école, on t'inscrira. Tu apprendras à lire et à écrire. Tu deviendras maîtresse d'école ou infirmière. Je serais fière de toi.
- Dieu t'entende, dit Rabiha. Khalti, je voudrais partager ta joie et tes espoirs mais Mahmoud nous ignore. On n'existe plus pour lui.
- Cela va changer. Tu verras. Il va t'apprécier à ta juste valeur, la rassure Louiza. J'espère que je vivrais assez longtemps, pour tenir votre fils, dans mes bras.
- Comment peux-tu espérer un fils ? Tu sais qu'il ne supporte pas ma présence, dans la maison, alors dans sa couche ? émet Rabiha.
C'est impossible. Il faudra te faire à l'idée que tu n'auras pas de petit fils.
- J'ai le droit d'espérer. S'il se met à travailler, il va retrouver goût à la vie et il apprécie chaque chose, à sa valeur, insiste sa belle mère. Il te suffit d'attendre. Tu seras récompenser en retour.
Louiza ne se trompe pas. Dès le lendemain, Mahmoud accompagne son vieux père. Le cordonnier veut bien lui apprendre le métier. Et tous les jours suivants, Mahmoud passera la majeur partie de son temps, auprès de ce dernier. Même si les clients sont rares, il a en fin de journée un peu d'argent. Cela lui permet d'acheter du sucre, des cigarettes pour son père et des gâteries pour sa fille.
En quelques semaines, le travail l'a ramené à la vie.
Il est plus conciliant avec sa famille et les villageois. Il a perdu son air sombre des mauvais jours et affiche un sourire. Il fait même des projets. Son métier de cordonnier au village ne rapporte pas beaucoup. Il a envie de s'installer ailleurs. Seulement Rabiha n'est pas d'accord.
(À suivre)
A. K.


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