Marquée par un différend entre les avocats et le président du tribunal, la troisième journée du procès aura vu la déposition des témoins qui ont accablé l'ancien maître de Bagdad. Alors que la bataille de procédure battait son plein hier entre le collectif de défense de Saddam Hussein et le président du tribunal spécial irakien, l'accusation a réussi à présenter à la barre des témoins du massacre de 148 villageois chiites à Doujaïl en 1982, pour lequel est jugé l'ancien chef de l'Etat irakien. Contestant la légitimité du tribunal et protestant contre le refus de la cour d'entendre les avocats étrangers, les défenseurs du président déchu ont provoqué une suspension de séance d'une heure et demie. Ferme, Rizkar Mohammed Amine, le président du tribunal, n'a accepté d'entendre que les doléances de deux avocats. Si l'ancien ministre américain de la Justice, Ramsey Clarke, a souligné, dans une très courte intervention, que “la défense ne pourra pas continuer à participer au procès si la protection des avocats n'est pas assurée”, l'ancien ministre qatariote Najib Al Nouami, lui, a contesté la légitimité du tribunal en soulignant que “les tribunaux d'exception sont interdits par le droit international et ce tribunal en est un”. Peu après, ce fut au tour du second témoin d'être entendu après que la déposition d'un autre témoin, qui était malade, avait été recueillie par le tribunal à l'hôpital, peu avant sa mort, puis diffusée lors de la deuxième audience du procès, le 28 novembre dernier. Toutes les tentatives d'interrompre de Saddam Hussein ont été vouées à l'échec. En effet, à chaque fois, le président du tribunal rappelait à l'ordre l'ex-président irakien. Ahmed Hassan Mohammed, dit Al-Doujaïli, a affirmé que des arrestations de masse étaient intervenues avant la visite de Saddam Hussein, en 1982 à Doujaïl, marquée par un attentat contre le convoi présidentiel. Il a affirmé que ces forces avaient tiré des coups de feu et imposé un couvre-feu dans le village, alors que des membres des services de renseignement menaient des perquisitions de nuit, maison par maison. Lorsque Saddam Hussein en colère l'a interpellé pour lui demander “étiez-vous présent à ce moment là ?” le témoin, excédé, rétorquera : “Bien sûr que j'y étais.” Plus précis, il ajoutera : “Un de mes amis a été torturé. En fait, il a été tué devant moi et j'ai été témoin de ce meurtre.” Il racontera dans le détail les opérations menées par les forces de sécurité contre les villageois. “Ils nous ont conduits dans une zone remplie de forces de sécurité, d'officiers du renseignement et de responsables du parti Baâs, alors au pouvoir. C'était des arrestations de masse, hommes et femmes confondus. La scène était effrayante.” “J'ai vu les corps de nos voisins, martyrisés, certains étaient méconnaissables”, poursuivra Ahmed Hassan Mohammed, au moment où Saddam Hussein a, une nouvelle fois, tenté de l'interrompre en criant : “Vous ne m'avez pas donné de stylo ni de papier, comment voulez-vous que je prenne des notes ?” À signaler que le président du tribunal a fait expulser un Irakien présent dans la salle d'audience, qui aurait proféré des menaces à l'encontre des accusés. Saddam Hussein puis son demi-frère Barzan Al-Tikriti sont intervenus durant l'audition d'un témoin pour se plaindre des menaces proférées contre eux par un homme, non identifié, présent dans la salle. K. ABDELKAMEL