Dans le cadre de la présentation de son second roman, “Fille de Chemora”, Liliane Raspail a reçu un public connaisseur, ainsi que la presse, mardi après-midi, à la librairie Chihab Internationale. Edité par Casbah Editions, ce roman fait suite à “La Chaouïa d'Auvergne”, sorti en 2001, chez le même éditeur. Un petit bout de femme nature, simple, très souriante et avec un accent ensoleillé bien de chez nous. Et puis, deux mondes, bien distincts : la France, à travers l'Auvergne, matrice originelle des grands-parents, d'où ils se sont exilés vers Chemora, en 1919, avec leur fille Jeanne (mère de l'auteur), qui n'avait que 9 ans. Le premier tome raconte son histoire, celle de La Chaouïa d'Auvergne. L'Algérie, à travers Chemora, un petit hameau perdu en rase campagne batnéenne, et où les hommes y vivent du produit du dur labeur de leurs bras, et à la sueur de leur front. Un double exil : l'auteur quitte l'Algérie à l'âge de 12 ans (en 1947) pour y revenir en 1958 et y épouser la cause des Algériens. Pourquoi un roman ? L. Raspail évoque la “facilité” d'écriture pour le premier roman et la difficulté pour le second. Selon elle, La Chaouïa est né d'un besoin d'“expliquer à son fils comment ces gens ont fonctionné” ; l'écriture a été pour elle “un acte d'amour adressé au peuple algérien, à son fils et à ses parents”. Dans un langage simple, fait de code oral, avec beaucoup de naturel et d'allant, l'auteur n'hésite pas à citer “bougnoules”, “indigènes” et “meskines” en imitant, en riant, les pieds-noirs de son enfance. Elle n'hésite pas non plus à faire part d'un amour impossible entre sa mère et Sahraoui, un “Arabe” d'à-côté. Et puis, L. Raspail est intarissable sur “son affection” pour ce pays. Elle est “chaouia de sol et de cœur”. D'emblée, elle a été “charmée par la galette et le couscous, le burnous et l'islam, qui ont fait naître et cultivé pour toujours ma relation avec cette terre et avec ces gens”. Dans le premier roman, “je me suis régalée, dit-elle. Je me suis retrouvée dans mon petit bled, heureuse et j'ai retransmis ces espaces, cette lumière, le travail acharné des pieds-noirs”. Le travail était une vertu, il a servi à transformer la terre et à nourrir ses enfants. Pour L. Raspail, “il n'y a pas de feu sacré chez les Algériens, car on n'a pas soufflé sur les braises au bon moment”. Le deuxième roman débute par le second exil, dans l'autre sens, en 1947. La mère rentre en Auvergne et le contraste y est saisissant : froid, grisaille et drame. Elle rencontre André (un communiste) et refait sa vie. Sa fille revient en Algérie en 1958, à Sidi Aïssa, le mari est officier, et elle “n'est pas du bon côté de la barrière”. Elle perd sa fille de maladie, puis, plus tard, Paul, en 1965. À la question de l'animatrice “avez-vous écrit par nostalgie ?”, L. Raspail s'en défend. “Mes thèmes sont l'Algérie et ma vie, mon pays, mon salut et ma vérité. J'ai simplement voulu raconter l'histoire de mes parents, car il y avait quelque chose à montrer de différent de l'histoire coloniale que l'on a toujours donnée. J'ai voulu présenter l'histoire de ces Auvergnats paumés, perdus, qui est différente de l'histoire des autres pieds-noirs que l'on connaissait. Arcady, Hanin et Jules Roy l'on fait par le biais du cinéma ; mais leur histoire est différente de la mienne. J'ai été impressionnée par l'accueil du public algérien lors de la sortie de mon premier roman ; je peux vous dire que les Français l'ont eu en travers de la gorge ! C'est pourquoi j'ai eu raison de croire à cette histoire !” “Allez-vous affronter votre destin d'écrivain ?” interroge l'animatrice. L. Raspail rassure : elle est “écrivain par la nécessité de dire et celle d'évacuer quelque chose, par le besoin de passer d'abord par moi pour revenir en Algérie”. - “Une suite ?” - “Oui, l'idée d'un film se précise si on arrive à décrocher la timbale !” - “Le mot de la fin ?” - “On cherche un scénariste !” NORA SARI