Il est vrai que l'Algérie, comme tous les pays arabes, veut empêcher une intervention armée des Etats-Unis contre l'Irak. Quatre ministres de la Défense se sont déplacés à Alger la semaine écoulée. Il y a eu d'abord l'Américain, Peter Rodman, secrétaire adjoint de la Défense chargé de la sécurité. Ce responsable du Pentagone est arrivé samedi dernier pour exprimer l'intérêt des Etats-Unis de développer un nouveau type de partenariat avec l'Algérie. Ensuite, ce fut le tour du ministre belge de la Défense, André Elahaut, qui a été, dimanche, l'hôte d'Alger. Les entretiens ont porté sur les relations bilatérales et les moyens de les diversifier à travers l'échange d'informations entre les organismes et les institutions des deux pays. Puis, il y a eu le prince Soltane Ben Abdelaziz Saoud et M. Yannos Papantoniou, ministres saoudien et grec de la Défense, qui ont quitté la capitale algérienne mercredi dernier. Au menu, le dossier irakien et le risque d'une intervention militaire américaine contre ce pays pour mettre fin au régime de Saddam Hussein. Si le responsable belge a exprimé la volonté de son pays d'œuvrer à la paix et la stabilité dans le monde, le Grec, M. Papantoniou, a fait savoir les inquiétudes de son pays quant à une nouvelle guerre dans le Golfe. “La Grèce partage les craintes d'une déviation des procédures qui ont été exigées par les Nations unies”, a-t-il déclaré avant d'ajouter qu'une “action militaire contre l'Irak aura des répercussions négatives qui mettront en cause la lutte contre le terrorisme global”. Du côté du responsable américain, aucune indication n'a été donnée sur la teneur des entretiens qu'il a eus avec le Président Bouteflika ainsi qu'avec le chef d'état-major de l'ANP, Mohamed Lamari. Le communiqué commun rendu public à l'issue de l'audience s'est contenté de généralités : “Le Président Bouteflika a exprimé les préoccupations de l'Algérie, concernant certaines questions internationales de l'heure”, a indiqué M. Rodman ajoutant “avoir exposé les points de vue des USA sur ces préoccupations”, peut-on lire dans le communiqué. Que peut signifier ce regain d'intérêt pour Alger ? L'Algérie joue-t-elle un rôle diplomatique dans le règlement de la crise en vue d'éviter la guerre contre l'Irak ? En attendant que soient connues les “preuves” de Bush, le 5 février, et en l'état actuel des choses, il n'y a que deux initiatives possibles à même de désamorcer la guerre annoncée : une réponse irakienne concrète aux “preuves” américaines — la destruction prouvée du potentiel éventuel de destruction massive — ou la démission pure et simple de Saddam Hussein. Le voyage non prévu de Bouteflika au Caire permet de supposer une initiative arabe dans le sens de l'une ou de l'autre de ces deux options. D'autant que le 5 février — coïncidence, certes — Bouteflika sera à Paris pour rencontrer Chirac dont la position lui permet de conserver quelque pouvoir de pression sur le Président irakien. Le chef d'état-major de l'ANP, Mohamed Lamari, avait indiqué récemment, dans un entretien à la revue française Le point, que l'Algérie pourrait accorder l'asile à Saddam Hussein si, bien entendu, le Président Bouteflika acceptait la proposition. Quelques jours plus tard, le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem, avait précisé que la question de l'asile n'était pas à l'ordre du jour et que les différents contacts avec les pays arabes visent à trouver une solution pacifique au problème. Le ballet des ministres de la Défense, dont certains occupent une position stratégique dans le dispositif de préparation de la guerre — Grèce et Arabie Saoudite — pourrait constituer une nouvelle tentative pour prévenir la guerre. Et l'Algérie, qui ne s'est pas impliquée dans la coalition de 1991, garde une marge d'intervention diplomatique en Irak qui pourrait être investie dans une ultime démarche auprès du régime de Bagdad. En tout état de cause, les tout prochains jours nous renseigneront sur le motif réel de ces échanges qui, dans le contexte actuel, ne peuvent relever du simple concours de circonstances. S. T.