Le mois de Ramadhan est synonyme de piété, bienveillance et pratique intense de la foi. Ce mois est également l'occasion, par excellence, de faire du bien autour de soi, notamment envers les personnes dans le besoin. Telles sont les prescriptions de notre sainte religion pour ce mois sacré, et c'est le but, par excellence, de ce que font les initiateurs du restaurant Jugurtha Lunch de la Rahma, situé au boulevard Stiti au chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou. Nous nous y sommes rendus en début d'après-midi de mardi, où l'équipe était à pied-d'oeuvre pour préparer le dîner. À 9h du matin déjà, la première équipe chargée des préparatifs était sur place, nous explique-t-on. Ce sont en majorité des femmes. Cette équipe est chargée des préparatifs en cuisine de l'Iftar. Ils sont rejoints, en fin d'après-midi par d'autres volontaires pour préparer la salle et la grande rangée de tables dressées à même le trottoir. Elles sont une bonne trentaine de femmes et d'hommes à être mobilisés durant tout ce mois pour servir des milliers de personnes de repas a des personnes nécessiteuses, des travailleurs venus d'ailleurs, ne trouvant pas où prendre l'Iftar, ou alors tout simplement des passagers dans la ville de Tizi Ouzou. C'est un rythme auquel l'équipe est déjà habituée, depuis des années. Le restaurant Rahma Jugurtha Lunch a été créé depuis cinq ans déjà. «Avant de servir de restaurant classique et avant son ouverture, il a rempli le rôle de restaurant de la Rahma. Dès que j'ai terminé les travaux, le mois de Ramadhan est arrivé. J'ai alors décidé de le transformer ainsi. Je voulais faire cette offrande à la mémoire de mon frère Jugurtha décédé à la fleur de l'âge, à 24 ans seulement. C'était un frangin exemplaire. On avait lutté ensemble pour améliorer nos conditions de vie et celles de notre famille avant qu'il ne soit ravi à notre affection par un dramatique accident de moto», raconte, avec une pointe chargée d'émotion Mehdi Temzi, propriétaire de ce resto. Depuis, ce restaurant est devenu le repère des nécessiteux durant le mois sacré du Ramadhan «Cela va continuer autant que le Dieu nous prête longue vie», dit encore Temzi. Une ambiance conviviale Les tables sont déjà pratiquement toutes pleines quelques minutes déjà avant l'Iftar. Mohamed, un jeune manoeuvre issu de la wilaya de Mila et qui travaille dans un chantier à Tizi Ouzou, raconte. «Je marche plus de vingt minutes pour arriver ici. Je préfère de loin ce restaurant. Ce n'est pas seulement par la qualité des plats, mais aussi et surtout par le fait qu'on se sent vraiment chez nous. J'y trouve un climat convivial qui me fait oublier la distance, loin de ma famille. Les serveurs sont vraiment très sympathiques et courtois. On est servi avec dignité et respect total! Même le propriétaire de ce restaurant est tout le temps aux petits soins pour satisfaire tout le monde», témoigne-t-il. Comme lui, des dizaines d'autres travailleurs venus d'autres wilayas, des familles de migrants subsahariens, des passagers pris de court par les transports ou tout simplement des gens nécessiteux sont déjà à table. Un stress se lit sur les visages des jeunes volontaires qui commencent à servir les repas. Ils ne doivent oublier personne avant l'Adhan. Quelques minutes avant l'appel à la prière, deux jeunes, forts corpulents et habillés modestement, font leur entrée. À pas hésitants, ils cherchent désespérément des yeux deux places où s'installer, tout en caressant leurs moustaches bien fournies. Un des bénévoles, ayant remarqué le manège les interpelle. «Il se trouve que c'est vous-même qui avez cultivés et livrés ces pommes de terre que nous avons dans nos plats aujourd'hui, pour ne pas trouver de place parmi nous? Impossible!», avant de s'affairer à installer confortablement les deux agriculteurs venus de Aïn Defla. Une ambiance bon enfant règnera durant tout le dîner. Une fois l'Iftar terminé, les rictus dessinés par la faim et la fatigue durant toute la journée s'estompent pour laisser place aux sourires. Les habitués de ce restaurant commencent à se lever et se disperser chacun dans sa direction, sans omettre de remercier les bénévoles du restau, les comblant de prières pour leur noble geste. Les cafés environnant grouillent de monde, quelques instants après. Quand les familles algériennes s'installent confortablement devant leurs téléviseurs pour savourer leurs programmes télé fétiches pendant ce mois sacré, un gros travail attend encore les bénévoles du restaurant. Des tas de déchets à ramasser et trier dans des sacs poubelles. Des centaines de plats à ramasser, nettoyer et ranger, des dizaines de tables et chaises à ranger. Certains parmi eux n'ont pas encore eu le temps de bien manger comme tous les autres. «Tu vois, nous n'avons même pas eu le temps de faire la prière comme tout le monde», lance Nassim, un jeune étudiant bénévole. Des bénévoles en force Ils sont une bonne trentaine de femmes et d'hommes à être mobilisés durant tout ce mois pour offrir des milliers de repas à des personnes nécessiteuses, des travailleurs venus d'ailleurs, ne trouvant pas où prendre l'Iftar, ou alors tout simplement des passagers dans la ville de Tizi Ouzou. Ce restaurant sert quotidiennement une moyenne de 550 plats. Ils sont financés par le même propriétaire, qui paie également une bonne dizaine d'employés, durant ce mois. «C'est vrai que nous recevons de temps en temps des aides de bienfaiteurs. Nous n'acceptons pas de l'argent, mais lorsque quelqu'un veut aider, nous lui donnons des listes d'achats à faire». « Ce sont des menus allant de l'entrée, puis au plat de résistance et enfin au dessert. La grande part de ces plats, soit environ plus des trois quarts sont servis, à table. L'autre partie va vers quelques associations qui sont dans le besoin, quelques invalides qui ne peuvent pas se déplacer, ou encore des gardes-malades dans les structures de santé aux environs» nous explique Mehdi. Merzouk Dermache est un employé dans une entreprise nationale des télécom. C'est l'un des anciens bénévoles du restaurant Jugurtha Lunch. «Je suis un habitant de Tizi Ouzou-ville, et j'aurais pu profiter de ces moments avec ma famille aussi, comme tout le monde. Mais je suis convaincu de la justesse de cette noble mission. Celle de servir les gens dans le besoin, notamment en ce mois sacré. Je le fais avec cette équipe depuis l'ouverture de ce restaurant, et je continuerai de le faire autant que faire se peut. Cela car j'éprouve une satisfaction personnelle d'avoir fait du bien autour de moi», dit-il avec conviction. Toujours dans son élan de bienfaisance, Mehdi Temzi nous affirme que d'ores et déjà, son équipe est en train de préparer un grand événement. Il s'agit de servir des milliers de repas d'Iftar, en plein centre-ville de Tizi Ouzou, aux supporters de l'Equipe nationale lors de son match, prévu le 24 mars prochain au stade Hocine Ait Ahmed. «Nous sommes en train de nous concerter et planifier une grande fête le jour de ce match. Notre ville accueillera des dizaines de milliers de supporters des Fennecs qui viendront de toutes les wilayas du pays, et nous allons être au rendez-vous pour marquer cet événement d'une empreinte indélébile. Ceci tout en espérant une large victoire de nos Fennecs inchallah», termine Mehdi Temzi.