Il veut le pouvoir et il ne le cache pas. Lors de la cérémonie des vœux du début de l'année, le ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a encore affiché son ambition présidentielle jeudi, en critiquant le chef de l'Etat, Jacques Chirac, et en suggérant d'importantes réformes des institutions dans un pays qui “a besoin de beaucoup changer”. M. Sarkozy a aussi utilisé sa double casquette de ministre de l'Intérieur et de patron du parti de droite au pouvoir, UMP, pour se poser en responsable capable d'assumer le “besoin d'autorité” des Français, deux mois après les émeutes ayant embrasé les banlieues et une série de faits divers violents. Candidat déclaré depuis des mois à la présidentielle de 2007, il a de nouveau égratigné le chef de l'Etat en présentant ses vœux à la presse, devant plus de 600 personnes. “L'énergie que l'on met à durer, on ne la met pas à faire”, a déclaré M. Sarkozy, 50 ans, dans une allusion à M. Chirac, 73 ans, au pouvoir depuis 1995, qui achève son second mandat en 2007. M. Sarkozy a défendu sa volonté de limiter à deux les mandats présidentiels, une limitation qui ne vaudra “que pour la prochaine fois”. “Cela ne concerne personne”, a-t-il dit, sous les rires des journalistes. M. Sarkozy a préconisé un renforcement du rôle du chef de l'Etat qui “doit exercer les responsabilités du pouvoir et personne d'autres”. Il a proposé de modifier le rôle du Premier ministre — nommé par le Président — qui ne serait plus que le coordonnateur, et non plus le dirigeant de la politique gouvernementale, comme le fixe la Constitution. Il a aussi proposé que le gouvernement soit “limité à une quinzaine de ministres pleins”. En même temps, pour renforcer les contre-pouvoirs à ce président au rôle accru, il a proposé que le chef de l'Etat vienne “expliquer directement sa politique aux parlementaires”, ce que la Constitution lui interdit actuellement de faire. M. Sarkozy a réaffirmé son “attachement aux institutions de la Ve République” tout en soulignant que la France avait “besoin de beaucoup changer”. Mais “on peut faire évoluer nos institutions sans changer de numéro de République”, selon lui. Il est en compétition, à droite, pour la présidentielle avec le Premier ministre Dominique de Villepin, qui fait figure de “dauphin” de Jacques Chirac. Ce dernier, qui apparaît en fin de règne, malmené dans les sondages et victime d'un accident cérébral en septembre, devrait renoncer à briguer un troisième mandat. En réaction, le Parti socialiste, principale force d'opposition, a dénoncé une “présidentialisation à outrance” là “où il faut plus de démocratie”. Chantre d'une immigration “choisie” et non “subie”, M. Sarkozy a aussi prononcé un discours musclé sur l'immigration en annonçant qu'un projet de loi serait déposé courant février. Il a prôné une politique “d'objectifs chiffrés” déterminés “en fonction des capacités d'accueil de la France”. La France doit privilégier l'arrivée d'immigrés “choisis” au détriment de populations “subies”, dont les conditions d'entrée et de séjour sont durcies. Le texte de loi, que M. Sarkozy doit présenter “courant février”, prévoit des “objectifs chiffrés” déterminés “en fonction des capacités d'accueil de la France”. Le ministre a également annoncé “des mesures facilitant la venue de travailleurs qualifiés, d'étudiants, de chercheurs et de professeurs d'université”, pour insuffler un “sang nouveau”, résumant ainsi son credo : la priorité accordée à l'immigration “choisie”. “C'est invraisemblable, 5% seulement de l'immigration sont liés à des besoins économiques, c'est l'inverse de toutes les grandes démocraties du monde”, a-t-il commenté. Le ministre a cependant précisé que cette politique “ne doit pas aboutir à une fuite des cerveaux dans les pays d'origine”, évoquant un séjour de trois ans de diplômés qui devront “rendre” à leur pays d'origine “le bénéfice” de leur formation en France. Le texte de loi proposera également “une réforme du regroupement familial”, assorti de nouvelles conditions en termes de revenus, de logement et de “degré d'intégration”. “Quand on fait venir huit enfants et qu'on a un studio de 10 m2, on ne peut pas faire de regroupement familial”, a jugé M. Sarkozy. “Sa famille, on la fait venir si on a les moyens de la loger et de la faire vivre”. Y. K.