Comme toujours, le pouvoir réagit avec sa fermeté légendaire face aux revendications sociales. Le conflit récurent de l'éducation en est un exemple explicite. Alors que la nécessité d'un dialogue social se fait insistante, les autorités ont choisi de demeurer dans leur attitude de fermeté à l'égard de toute revendication, quelle qu'elle soit. Le bras de fer entre le ministère de l'Education et les enseignants révèle tout le fossé qui sépare pouvoir et administrés. Les enseignants disent ne revendiquer que “leur droit à la dignité”, exigeant une mise à niveau de leur pouvoir d'achat réduit au fil des années à une peau de chagrin. Dévalorisée, la fonction d'enseignant s'est “clochardisée”, et le mot n'est pas assez fort pour décrire la situation socioéconomique de ce corps chargé de bâtir l'Algérie de demain. Un instituteur, c'est 12 000 dinars, un professeur du moyen un peu plus et celui du secondaire arrive à peine à la barre des 20 000 dinars ! L'Etat rétorque : ouvrir le robinet des augmentations salariales, bonjour les dégâts avec une inflation à deux chiffres. Sans le dire expressément, les autorités craignent par-dessus tout l'effet boule de neige. Les revendications des enseignants concernent pratiquement l'ensemble des salariés. L'argument, techniquement, tient la route, mais c'est oublier que la gestion des revenus est une question éminemment politique. La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), elle, reste convaincue que la politique salariale est dictée par les institutions financières internationales. Pour Mme Louisa Hanoune, l'Etat a concédé ses attributs de souveraineté économique au FMI, à la Banque mondiale, à l'UE, aux multinationales et, demain, à l'OMC. Une chose est au moins certaine, l'étau international peut être défait puisque l'Amérique latine est en train de se repositionner en essayant de gommer l'image de chasse gardée américaine. Certains de ces pays ont même renoué avec le socialisme dont le Chili, la vitrine du libéralisme made in USA. L'éclatante victoire de la Présidente constitue un véritable pied de nez aux golden boys que le pinochisme avait réintroduits après l'assassinat, en 1973, du président Allende. La question des salaires est sans contexte un problème épineux, mais le pouvoir n'a pas encore l'intention de le prendre à bras-le-corps. Le ministère de l'Education pense encore la diluer dans une politique de division qui, pourtant, a montré ses limites tout en se défaussant sur les négociations à venir sur la révision du statut de la Fonction publique. Ce département recourt à des pratiques qui ont fait long feu. Négocier avec un syndicat certes légal, mais qui n'est pas représentatif, c'est aller de nouveau droit au mur. Le passé a déjà révélé le cul-de-sac auquel conduit un tel cheminement. Faire donner la justice à un mouvement qui, tout de même, arrive à paralyser tout le secteur n'est pas la bonne réponse. L'an dernier, la manœuvre n'a donné qu'un répit puisque la question revient cette année avec plus de ressentiments. Le dialogue, aux yeux de l'administration, ne doit se faire qu'avec des syndicats officiels. Cette façon de choisir ses interlocuteurs renvoie de fait à l'idée que se font les autorités de la représentation sociale. Pas question de reconnaître ce qui échappe à la logique politique des gouvernants. En réalité, c'est toute la question de l'Algérie d'aujourd'hui. D'un côté, un pouvoir qui ne semble s'attacher qu'aux artifices de la représentation démocratique, avec des organes dociles même s'ils sont contre-productifs. De l'autre, une société qui bruit de mouvements et qui revendique le droit d'être représentée par de vrais mandants. C'est la problématique en œuvre dans les syndicats de l'éducation. Face au syndicat historique sont apparus de nouveaux, plus jeunes, moins rompus aux luttes de sérail, plus en harmonie avec les travailleurs qu'ils représentent. L'issue du bras de fer est évidente car l'histoire avance, même s'il lui arrive de traverser des moments de surplace. D. Bouatta