Les Palestiniens, pour la deuxième fois de leur histoire, élisent aujourd'hui leur Parlement lors d'un scrutin qui pourrait voir l'hégémonie du Fatah remise en question face au Hamas. Jusqu'au dernier jour de la campagne électorale, la lutte entre le parti au pouvoir de Mahmoud Abbas et la formation islamiste, fondée en 1987, s'est imposée comme la question dominante de cette élection. Les sondages donnent un coude à coude avec une légère avance au Fatah. Les 132 députés seront élus pour moitié à la proportionnelle et l'autre par circonscription. C'est une disposition que Mahmoud Abbas a prise pour juguler la déferlante islamiste dont les représentants ont déjà raflé les mairies de Gaza et une bonne partie en Cisjordanie, fief supposé du Fatah. Face à l'entrée fracassante des islamistes dans le cœur du pouvoir, les héritiers de Yasser Arafat ont été contraints de mettre de l'ordre dans les multiples zizanies qui les ont paralysés, voire divisés, tout au long de ces dix dernières années. Miné, le Fatah n'a réussi qu'in extremis à présenter une liste unifiée de candidats après une âpre lutte entre vieille garde et jeunes réformistes. Il a fallu tout le poids de Mahmoud Abbas pour contraindre les caciques de la direction historique du Fatah à fusionner avec la génération montante représentée par Marwan Barghouti, des quadragénaires lassés par les “pères” qui se prévalent de la légitimité historique ! Barghouti, du fond de sa prison à Néguev, où il purge une peine à perpétuité, a exhorté les Palestiniens à participer massivement au scrutin, dans des interviews accordées depuis son lieu de détention à des chaînes de télé arabes. Même si la campagne du Fatah a été menée sous les portraits rassemblés de Mahmoud Abbas et de Marwan Barghouti, les plaies de la scission au sein de leur parti sont loin d'être fermées. Le Fatah a usé l'essentiel de son crédit dans des négociations souvent “stériles” avec Israël, pendant que Hamas dénonçait ses reculades et la corruption de l'Autorité palestinienne, tout en prenant en marche le train de la résistance et en encadrant les Palestiniens dans un réseau associatif très dense, qui pourvoit à beaucoup de besoins chez les classes populaires. Aux yeux de Palestiniens lambda, le Fatah est associé à l'anarchie sécuritaire et à la corruption qui ronge les administrations. Hamas, qui prônait la destruction d'Israël et rejetait les pourparlers de paix, a mis de l'eau dans son vin. Israël, hostile à sa participation, menaçait un temps d'interdire la tenue des élections à El Qods-Est occupée. Mais, soumis à des pressions internationales, notamment de la part de Washington, favorable à la promotion d'un islamisme institutionnel pour, à ses yeux, contrecarrer sa version radicale, Israël a fini par autoriser la participation de Hamas. Barghouti s'est prononcé pour la formation d'un gouvernement d'unité nationale ouvert au Hamas. Les enjeux des législatives portent également autant sur la poursuite des négociations avec Israël que sur l'amélioration des conditions socioéconomiques des Palestiniens, la lutte contre la corruption et le chaos sécuritaire. D. Bouatta