Les territoires palestiniens vivent aujourd'hui l'un des événements les plus importants depuis la création de l'Autorité palestinienne, suite aux accords d'Oslo de 1993, conclus entre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël. C'est aujourd'hui, et pour la deuxième fois de leur histoire, que les Palestiniens vont choisir leurs représentants au niveau du conseil législatif. Les premières législatives palestiniennes ont eu lieu en 1996, concrétisant l'hégémonie du mouvement Fatah, principal mouvement nationaliste palestinien, dirigé pendant près de 40 ans par le défunt président Yasser Arafat. Depuis la mort de ce dernier, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Les élections, qui devaient avoir lieu quatre ans après, ont été reportées à plusieurs reprises à cause des événements sanglants qui ont caractérisé l'intifadha d'El Aqsa, déclenchée en septembre 2000, après une visite provocatrice de Sharon, à l'époque chef de l'opposition israélienne, de l'Esplanade des mosquées, dans la ville sainte d'El Qods. Le parti au pouvoir depuis près de dix ans mène aujourd'hui une lutte ardue pour essayer de se maintenir dans son rôle de leader de la lutte incessante des Palestiniens, sur la voie de la liberté et de l'indépendance. En face de lui, un redoutable adversaire qui n'a cessé d'élargir son assise populaire, surtout durant les années sanglantes de l'intifadha. Il se nomme Hamas, un mouvement islamiste, à l'origine de la majorité des opérations suicides effectuées en territoire israélien, qui prône la lutte armée comme seul moyen de libérer la Palestine. A l'inverse du Fatah et de l'OLP, le Hamas ne reconnaît pas l'Etat d'Israël. Ce mouvement radical, créé à la fin des années 1960, dont les responsables viennent du mouvement des Frères musulmans, avait refusé de participer aux élections de 1996, découlant des accords d'Oslo qu'il ne reconnaît pas aussi. Mais il faut dire que les luttes intestines au niveau du Fatah ainsi que la corruption devenue un véritable fléau au sein de l'Autorité palestinienne ont été pour beaucoup dans l'accroissement de la popularité du Hamas. Israël ainsi que l'Occident, aussi bien les Etats-Unis que l'Union européenne, refusent que le Hamas, qu'ils considèrent comme mouvement terroriste, participe au prochain gouvernement palestinien, menaçant les palestiniens d'arrêter tout apport financier si tel était le cas. Sentant le danger très proche cette fois, le Fatah a fait des efforts colossaux pour redorer son blason dans la rue palestinienne. Il s'est finalement présenté avec une liste unique, dépassant les profondes divergences de points de vue entre la vieille garde du mouvement représentée par les compagnons de feu président Yasser Arafat, rentrés en sa compagnie dans les territoires palestiniens en 1994, représentés par le comité central du mouvement, et les jeunes loups du mouvement représentés par Merouane El Barghouti, très actif durant l'intifadha, emprisonné à vie en Israël, Mhamad Dahalane, ministre sortant des Affaires civiles et ancien chef du célèbre service de sécurité préventive. La campagne pour les élections législatives palestiniennes s'est achevée lundi à minuit, le Fatah affichant sa confiance en la victoire face au mouvement radical Hamas. Elle s'est déroulée dans un climat admirable, reflétant un grand amour des Palestiniens pour la vie démocratique. Aucun accrochage armé n'a été signalé, ce qui peut être considéré comme un miracle tant les partisans des différents mouvements participant au scrutin ainsi que les simples citoyens sont armés. La campagne électorale survenue à un moment où l'atmosphère d'insécurité régnait sur les territoires a fait craindre le pire. Si les élections d'aujourd'hui se passent dans le calme aussi, quel que soit le vainqueur, on pourra sûrement dire que encore une fois et malgré les difficultés dues à l'occupation israélienne, les Palestiniens ont refusé de se présenter comme un modèle du genre pour les pays voisins ainsi que pour l'ensemble des pays arabes. Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé hier « chaque Palestinien » à voter aujourd'hui. « Les élections sont un droit pour chaque citoyen et il doit l'exercer. Il s'agit d'un devoir national qu'il doit accomplir », a déclaré M. Abbas à l'issue d'un entretien à Ramallah avec l'ancien président américain Jimmy Carter, qui dirige une délégation américaine venue observer le scrutin. « Les élections doivent honnêtement refléter le choix de chaque citoyen palestinien », a-t-il ajouté. En fait et à cause des positions du Hamas qui refuse tout dialogue avec l'Etat d'Israël , son score au présent scrutin représente le principal enjeu de ce rendez-vous électoral. Un sondage publié lundi crédite le Fatah d'une avance de huit points dans les intentions de vote sur la liste « Changement et réforme » du Hamas. Selon le sondage, réalisé par l'université Al Najah de Naplouse, le Fatah obtiendrait 42,8% des suffrages contre 34,2% pour la liste du Hamas. Le chef de la campagne du Fatah, Nabil Chaath, s'est dit lundi « confiant » quant à la victoire de son mouvement. Interrogé sur une possible victoire du Hamas, qui prône la lutte armée pour libérer les territoires palestiniens, il a affirmé qu'une telle éventualité « placerait le peuple palestinien dans une situation très difficile ». « On n'arrive pas à savoir si le Hamas veut négocier avec Israël ou s'il juge la négociation inutile comme l'affirme l'un de ses principaux leaders, Mahmoud Al Zahar », a encore estimé M. Chaath. « Notre peuple ne peut tolérer de telles contradictions et hésitations. La communauté internationale ne peut les tolérer non plus car elle veut aller de l'avant dans le processus de paix selon les principes lancés à Madrid (en 1991) et accepté par le Fatah », a-t-il ajouté.