Liberté : Monsieur Achaïbou, pouvons-nous connaître l'origine de ce mouvement de grève déclenché depuis lundi dernier à l'unité des Issers ? M. Achaïbou : Le conflit actuel n'a pas lieu d'être quand on connaît ses vraies origines. En fait, tout a commencé le mois de juin dernier. Le chargé de l'organique de la section syndicale a été démis de ses fonctions de syndicaliste pour son mauvais comportement. La décision de son éviction a été approuvée par l'Union syndicale (UGTA) de la wilaya de Boumerdès. Suite à quoi, un groupe de travailleurs a commencé à s'agiter et à menacer l'exercice de mon activité. La chose deviendra sérieuse quand l'Union de wilaya a procédé à la dissolution de la section syndicale. Ce groupe de travailleurs, composé de cinq individus, m'oblige alors à reconnaître un syndicat dissous, faute de quoi ces travailleurs exigent mon départ pur et simple. Evidemment, ils refusent de renouveler la section. Devant ces menaces directes qui déstabilisent l'entreprise, j'ai procédé au dépôt de plainte. Sachant que la justice fera son travail, ils recourent à la manière forte et ferment le portail de l'unité des Issers. Le tribunal de Bordj Menaïel a rendu un jugement condamnant les cinq éléments perturbateurs et pour procéder à la réouverture du portail en présence d'un huissier de justice. À mon arrivée, ils m'ont exigé de reconnaître la section dissoute contre la reprise de mon activité. Sachant que je campe sur mes décisions en étant légaliste, ils m'ont demandé de prendre mes effets de mon bureau et exigé mon départ du poste de P-DG. Aujourd'hui (mercredi, ndlr), l'huissier de justice s'est donc présenté pour m'installer dans le bureau, et tout s'est bien passé. Au départ de l'huissier, ils ont mobilisé une foule pour nous menacer dans le bureau et proféré des menaces à l'endroit des cadres dirigeants. C'est une ambiance électrique insupportable car ce sont les intérêts de Socothyd et des travailleurs qui sont en jeu. L'opinion publique et les travailleurs de la société doivent savoir qu'il s'agit indéfiniment d'un conflit “syndico-syndical”. De mon côté, je réitère mon appel aux travailleurs de la société à assumer leur pleine responsabilité, car la grève est illégale, et j'interpelle l'UGTA pour intervenir en urgence afin de débloquer cette crise et assurer la pérennité de cette entreprise. Seuls le dialogue et la concertation peuvent dénouer cette crise. Y a-t-il une revendication particulière en dehors de ce conflit ? Est-ce que Socothyd a déjà recouru à un plan social ? Est-ce que votre entreprise est touchée par le phénomène des salaires impayés ? Notre entreprise n'a jamais recouru à un plan social. Je suis à ce poste depuis 1989 ; tout a fonctionné normalement et Socothyd a toujours été bénéficiaire. Mieux, nous n'avons jamais eu de cas de salaires impayés. Souvent, nous versons les salaires à l'avance aux travailleurs. J'ajouterai que Socothyd, qui emploie actuellement 675 travailleurs, a créé durant la décennie rouge 280 nouveaux postes d'emploi. Grâce au dynamisme du staff et aux travailleurs, Socothyd a été certifiée Iso 2000 (qualité), Iso 13085 (références médicales), et nos produits ont eu un marquage européen. Actuellement, nous avons engagé la certification Iso 14100 (relatif à l'environnement). On reproche à Socothyd la mévente de ses produits sur le marché national. Je vous signale qu'avant le 31 décembre 2004, nous avons atteint un taux de 90% du marché au niveau des hôpitaux. Depuis le 1er janvier 2006, une circulaire du ministère de la Santé est tombée comme un couperet pour pénaliser lourdement Socothyd. Ladite circulaire indique, désormais, que les hôpitaux ne peuvent plus entretenir des marchés de gré à gré. Depuis cinq ans, nous avons engagé une mise à niveau de notre entreprise et débloqué un budget d'investissement de 5 millions de dollars pour maintenir Socothyd à la place qu'elle a toujours occupée. Les labels que nous produisons sont très compétitifs et concurrentiels. Evidemment, nous avons en face des concurrents qui tentent de casser les prix. Mais cela ne minimise en rien la qualité de nos produits, et nous comptons sur la confiance de nos hôpitaux à les choisir car ils les connaissent depuis fort longtemps. Votre société figure parmi les 1 200 entreprises privatisables. Avez-vous des soumissionnaires nationaux et étrangers ? Où en est le dossier exactement ? Effectivement, Socothyd est une société qui fait partie du lot d'entreprises à privatiser, et elle figure sur le site Internet du ministère des Participations de l'Etat. Nous avons eu des soumissionnaires nationaux et étrangers comme les Suisses. Le dossier a été géré dans la transparence totale par la Gefac (chimie et pharmacie) chargée par la tutelle d'exécuter les réformes entreprises à ce sujet. Le dossier a été sérieusement étudié avant d'être envoyé au CPE, seul organisme habilité à se prononcer sur la décision finale. Y compris le gouvernement, il a étudié ce dossier. Finalement, le dossier de privatisation de Socothyd a été reporté pour un complément d'informations avec la désignation de deux experts internationaux, issus de l'Union européenne exactement, qui finalisent leur rapport. Plus tard, le dossier fera le même cheminement pour atterrir de nouveau au CPE. En ma qualité de P-DG, je ne suis qu'un exécutant des décisions souveraines et pour l'application des réformes décidées par le gouvernement. Quel est alors le devenir de Socothyd devant de telles situations ? Le devenir de l'entreprise est sérieusement menacé par cette instabilité qui ne profite pas aux travailleurs. Mon départ ne réglerait guère le problème. Je persiste à dire que mon départ est réclamé par cinq individus qui veulent me faire remplacer par un des leurs, à savoir le sous-directeur technique au niveau de Socothyd. C'est ce dernier qui est derrière cette agitation et cette anarchie que vit note entreprise. Encore une fois, le dernier mot revient aux travailleurs. D'ailleurs, s'ils réclament toujours mon départ, je suis prêt à aller vers un vote à bulletins secrets. Si la majorité des travailleurs me réclame, que mes détracteurs choisissent un autre dessein. Mais, ils ne le feront jamais sachant que tous les pères de famille de Socothyd veulent protéger leur outil de production et la pérennité de l'entreprise. Ceci dit, je compte également sur l'intervention de l'UGTA pour assainir cette section et procéder à son renouvellement conformément au droit du travail. F. B.