Il y a quelques jours, les étudiants de Béjaïa ont bloqué la route pour protester contre leurs conditions d'hébergement. Hier, c'était au tour des étudiants de Sétif d'obstruer la RN5 pour exiger le départ d'un professeur au motif que ses sujets d'examen étaient “inabordables” ! On peut observer dans ce cas la futilité de la revendication. Elle rappelle la mode des grèves par lesquelles les travailleurs demandaient la démission des directeurs. Cette coutume est passée de mode dans l'industrie car, depuis, ce sont les usines qui sont parties. L'inconsistance du reproche est aggravée par le moyen saugrenu par lequel des universitaires veulent faire valoir ce qu'ils estiment être leur droit. Il y a, en effet, incohérence entre la fonction d'études et de recherche à laquelle se rattache cette catégorie de jeunes et la maladresse qui préside au choix de leurs méthodes de lutte. Le spectacle d'universitaires empilant des pierres et allumant des pneus pour interrompre la circulation routière renseigne sur le niveau de régression intellectuelle qui frappe le pays. Il témoigne d'une inversion dramatique du sens dans lequel circulent les idées. Ce sont les révoltes de quartiers et de communes qui donc inspirent, aujourd'hui, les mouvements de campus ! Il est concevable que des quidams, dans un village oublié, ignoré par le programme d'électrification, descendent sur la route pour y perturber le trafic et se rappeler leur existence à l'autorité centrale ; il est envisageable qu'un mouvement populaire de masse prenne le parti d'un soulèvement physique, veuille faire la démonstration de sa capacité de nuisance physique pour obliger l'autorité à prendre en compte son existence politique. Mais que des milieux d'études soient, à ce point, en panne d'imagination militante pour être réduits à copier le mode de révolte spontanée de la foule de base a quelque chose de significatif : l'esprit voyage à contre-courant. Le populisme islamiste, aujourd'hui repris à son compte par le pouvoir, avait bien compris l'utilité stratégique de cette désévolution rendue possible par l'école fondamentale. Les islamistes se sont contentés d'aligner des foules d'étudiants comme autant de soldats de l'intégrisme et de les habiller en taliban ; ils ont transformé des coins de campus en bases terroristes et fait du FIDA un groupe d'élite du crime, si l'on peut se permettre ce jeu de mots. C'est donc le sens commun qui anime les lieux supposés de réflexion. Et qui tient le sens commun tient le pouvoir. Le drame de la soumission de l'intelligence au sens vulgaire ne touche pas la seule université. Partout, cadres, officiers, élus, hauts responsables et même artistes et intellectuels — si ces catégories méritent encore l'appellation après ce genre de compromissions — se bousculent pour se conformer aux comportements de masse. La moindre spécificité — tenue, acte ou pensée — ne peut être vécue ou exprimée que dans la clandestinité. De la banalisation du médiocre, on passe à sa généralisation. Dans un irrépressible processus de régression nationale qu'illustre, plus que tout autre, la misère culturelle de l'université. M. H.