Le bruit de négociations secrètes entre les autorités espagnoles et l'ETA courait depuis le début de l'année. Il n'en fallait pas plus pour que l'opposition politique et les organisations de victimes de terrorisme se mobilisent. C'est par la voix de sa vice-présidente que le gouvernement a dû préciser qu'il n'était pas question de négocier avec l'organisation terroriste avant qu'elle ne désarme. “La voie de la paix n'a pas de raccourci”, a indiqué Maria Teresa Fernandez. Il est vrai qu'en Espagne, les associations de victimes du terrorisme ne baissent pas les bras et la société espagnole ne badine pas avec la mémoire. Les actions de protestation contre les assassinats de personnalités ont régulièrement rassemblé des millions de personnes dans d'impressionnantes manifestations antiterroristes. La dernière marche, initiée par l'une des associations de victimes, AVT, a rassemblé des centaines de milliers de personnes, le 4 juin dernier. Voici sa position : “Non à la négociation parce que, alors, les assassinats de nos proches auraient été rentables politiquement.” Il n'est, ici, question ni de compensation, ni de logement, ni d'égoïste tranquillité d'après-guerre. Voici la position d'une autre association, la Covite, telle qu'exprimée par sa porte-parole, Cristina Questa, à la veille d'être reçue par le Chef du gouvernement Zapatero : “Nous voulons qu'un processus de fin de terrorisme se fonde sur les principes de vérité, de mémoire et de justice.” Que le gouvernement socialiste ait songé à négocier avec l'ETA est possible. Mais il aurait eu bien du mal à convaincre des parents de victimes qui ne se présentent pas en ayants droit, mais en défenseurs de la mémoire de leurs martyrs. Ils ne doivent pourtant pas être nombreux au vu du bilan de l'ETA : entre dix-sept et trente mille victimes en quarante ans de terrorisme. Nous en avons perdu cent fois plus en moins de quinze ans ! Hier, le Conseil de gouvernement a étudié les détails des mesures de mise en œuvre de la charte pour la paix, plébiscitée le 29 septembre dernier. D'après le communiqué annonçant la bonne nouvelle, rien n'a été omis de ce qui peut satisfaire les terroristes repentis, arrêtés, jugés, non jugés, recherchés. Même ceux qui seraient passés inaperçus vont devoir se battre pour faire valoir leur statut d'anciens terroristes, tant on fait pour leur avantageuse “réinsertion”. Tout le monde mérite prise en charge, car tout le monde est victime “du fait de la tragédie nationale”. Et tout le monde oubliera après. La mémoire est une culture, la rente en est une autre. Avec tout cela, il n'est pas dit que l'islamisme, prospère jusque dans les institutions, songera à se passer du maquis, pour faire sa “campagne”, comme vient de le déclarer un de ses leaders. Mais cette question est devenue une affaire organique du pouvoir. La société en adoptant la charte a tranché sa position. À l'heure de la mise en œuvre du mandat de la charte, elle ne peut que constater : parfois, par un étrange et sanglant cheminement, même si l'islamisme ne vient pas au pouvoir, le pouvoir va à l'islamisme. M. H.