Le président de l'Autorité palestinienne s'est fâché et a mis en garde le Hamas, qu'il a chargé de former le nouveau gouvernement, contre toute mesure populiste. Abbas, qui, lui aussi, jouit d'un mandat démocratique incontestable, menace de démissionner au cas où le mouvement islamiste vainqueur des législatives du 25 janvier faisait passer ses convictions partisanes avant l'intérêt national palestinien. D'autre part, le président palestinien suggère aux Occidentaux de donner du temps au Hamas, notamment sur la question de sa charte qui préconise la destruction d'Israël, dans une interview diffusée par une chaîne israélienne, avant de recevoir le secrétaire d'Etat adjoint américain David Welch en tournée dans la région pour faire pression sur le Hamas qui prépare son gouvernement et son programme. L'émissaire de Bush, qui a souligné ne pas utiliser encore l'arme de l'aide humanitaire prodiguée aux Palestiniens, a fait savoir que Washington soutient, en ce moment critique, Abbas et son leadership. Bush avait, auparavant, brandi la menace d'une suspension de l'assistance américaine aux Palestiniens si le Hamas ne renonçait pas à ses positions radicales, invitant la communauté internationale à exercer ses pressions dans cette direction. Haniyeh, ex-porte parole de Cheikh Yacine, le fondateur de Hamas, poursuit ses consultations pour former son gouvernement. Présenté comme un pragmatique, le député de Gaza souhaite intégrer dans son équipe tous les autres courants palestiniens, notamment le Fatah de Abbas. Mais, la plupart d'entre eux, plutôt laïcs, s'ils partagent avec le Hamas le principe de l'Etat indépendant ne sont pas du tout d'accord avec l'idéologie islamiste que compte mettre en pratique cette formation pour ce qui a trait à l'organisation de la société. En outre, Hamas ne veut toujours pas reconnaître Israël et refuse de désarmer, prônant la poursuite de la lutte armée. Pour le Premier ministre israélien par intérim, Olmert, le Hamas n'est pas un partenaire pour la paix et il continue à lui faire la guerre alors que le mouvement respecte la trêve conclue en 2005 à l'initiative de Abbas. Apparemment, les mises en garde de Abbas ont trouvé écho chez Haniyeh qui vient de déclarer à Newsweek et au Washington Post, deux médias emblématiques aux Etats-Unis, que le Hamas ne souhaite pas “jeter les Israéliens à la mer” mais établir “une paix par étapes” si Israël se retire des territoires conquis durant la guerre de 1967. Pour la première fois, un responsable de Hamas déclare ni chercher ni initier la guerre, soulignant ne pas être intéressé par le cercle vicieux de la violence. “Nous sommes un peuple oppressé avec des droits, si la paix nous procure nos droits, alors c'est bien”, tel semble être le leitmotiv du futur chef du gouvernement palestinien aux couleurs de Hamas. Son programme ? La restitution des terres palestiniennes, et la paix sera garantie. Hamas, a dit Haniyeh, honorera les accords qui garantiront l'établissement d'un Etat palestinien avec Al Qods pour capitale, dans les frontières de 1967, ainsi que les accords visant à libérer des prisonniers. Aux yeux des observateurs, l'intransigeance de Hamas a des chances de payer. Israël a, enfin, en face de lui, un interlocuteur tout aussi radical que lui. Les négociations seront plus ardues, les Israéliens savent qu'ils sont eux aussi le dos au mur. L'ex-chef du Mossad, service de renseignement israélien, Ephraïm Halevy, a estimé possible la conclusion d'un armistice avec Hamas. D. Bouatta