Résumé : La bohème s'initie à la mendicité. Des femmes curieuses la questionnèrent, des badauds lui jetèrent des pierres, des hommes malintentionnés s'approchèrent d'elle et elle reconnut le père de son enfant. Ses yeux se mouillèrent, mais elle eut la présence d'esprit de ne pas pleurer pour ne pas faire couler “son maquillage”. La journée a été bonne tout de même, se dit-elle, en recomptant la recette. 1 200 DA. Pas mal pour un premier jour. Elle allait se lever, quand Houria sortit du hammam en trombe. - Ah, tu es encore là, il se fait tard ma fille, allez, rentre au bercail. Elle jette un coup d'œil scrutateur aux alentours puis la pousse d'une main ferme à l'intérieur du hammam avant de l'arrêter au milieu du couloir. - Alors, cette recette ? La bohème lui montre l'argent gagné dans la journée. - Ah, mais ça va, tu te débrouilles bien. Les gens ont eu pitié de toi, sauvageonne. Elle sourit, puis la regarde un moment avant de procéder à une fouille minutieuse à travers les vêtements et le corps de la jeune femme. - Mais, que fais-tu ? - Je m'assure que tu n'as rien gardé sur toi. - Mais… mais… que crois-tu, je… - Ta ta ta, on a conclu un marché et tu dois en respecter le closes. - Je n'ai rien gardé sur moi, dit la bohème en repensant au billet de 500 DA, offert, la veille à son arrivée en ville, par la dame qui l'avait accueillie en premier lieu et qu'elle avait eu la présence d'esprit de glisser dans la doublure de la veste en cachemire. - C'est bien, ma fille, dit Houria, maintenant tu peux entrer te reposer. Ali a préparé à manger. Va dormir un peu si tu veux, nous arrivons tous les deux dans un moment. La bohème ne se le fait pas dire deux fois. Elle se débarrasse d'abord de son accoutrement puis s'allonge un moment sur son matelas. Elle était très fatiguée et ses jambes enflées lui faisaient mal. - Encore quelques jours de ce régime et je vais crever comme un chien au bord de la route, se dit-elle. Pourtant, elle tiendra le coup. Cinq semaines passèrent. Les recettes journalières lui permirent de résister durant ce temps. Une nuit, elle sera prise de douleurs. Le bébé s'annonçait plus tôt qu'elle ne l'avait cru. Elle s'entortilla dans une couverture et réveilla Houria qui dormait à côté d'elle. - Vite, je n'en peux plus, Houria. Je veux aller à l'hôpital. - Quoi, à l'hôpital ? Tu es folle ma fille, tu n'as aucun papier sur toi, tu veux avoir des problèmes ou quoi ? - Mais alors, comment vais-je faire ? Je vais accoucher ici ? - Bien sûr. Tu doutes de moi ou quoi ? Elle sourit. - Que de femmes j'ai assistées, et des femmes d'un niveau bien plus élevé que le tien, ma chérie. Allez, allonge-toi, je vais m'occuper de tout, ne crains rien. Après une longue nuit d'atroces douleurs, alors que la bohème crut sa dernière heure arrivée, elle mettra au monde un adorable petit garçon. Houria coupera le cordon ombilical avant de le faire sauter dans ses bras. - Qu'il est mignon, tout ton portrait. (A suivre) Y. H.