L'ordonnance 06-01 de mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale prévoit que ses faveurs concernent toute personne qui, “dans un délai maximum de six mois, à compter de la publication de la présente ordonnance dans le Journal officiel, se présente volontairement aux autorités compétentes et déclare avoir mis fin à ses activités”. La réserve rappelle la précaution, qui s'est avérée inutile et trompeuse, prise par la loi portant concorde civile. Celle-ci s'était imposé le même délai d'application. Les terroristes qui n'avaient pas bénéficié de ses largesses devaient, depuis, en être forclos. Le pouvoir s'est vu obligé d'enfreindre sa propre loi pour pouvoir exprimer sa disponibilité permanente et définitive envers les terroristes et l'islamisme. Politiquement, cela ne lui a rien coûté. L'avènement de Bouteflika, en 1999, a fait miroiter l'illusion que le pouvoir était partageable. C'est à qui séduirait le plus le répartiteur de puissance et de privilèges. Il n'y avait presque plus personne pour objecter. La classe politique s'est subitement transformée en une immense cour. C'était à qui justifierait le mieux la dérive historique. Le Président, pour récompenser cet empressement quasi unanime, dut improviser un gouvernement de coalition — qui s'avérera provisoire, aussi — à sept partis. Moralement, ce fut plus que coûteux : tout un Etat dut défier sa propre loi pour contraindre le pays à assumer l'immunité perpétuelle des terroristes, une procédure occulte faisant office d'instruction de probation du “repentir”. L'ordonnance, qui vient d'être publiée, a pris soin de rattraper l'offense discrétionnaire du politique au juridique. Au demeurant, peu de monde s'en était plaint. Cette fois, le concepteur de l'offre nouvelle d'impunité a réitéré la contrainte de délai pour la mise en conformité des terroristes en fin d'équipée. Six mois, encore. Ce qui, en théorie, rendrait caduque l'ordonnance en question dès le 28 août prochain. Mais comment mettre une loi hors de portée de l'arbitraire politique quand la justice est dessaisie de sa mise en œuvre ? Celle-ci n'intervient que contre ceux qui contrarient sa mise en œuvre ; elle n'est jamais sollicitée pour en sélectionner ou en désigner les bénéficiaires. Le Président garde la prérogative d'appliquer l'ordonnance et même de prendre, “à tout moment”, toute décision qu'il estime requise pour sa mise en œuvre. “Le président de la République peut, à tout moment, prendre toute autre mesure requise pour la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.” Cette fenêtre ouverte “à tout moment” permettra de remédier à l'imprévoyance de la loi de juillet 1999 qui obligeait l'Etat à franchement violer sa loi pour satisfaire la démarche politique du pouvoir. Et ce “à tout moment” annule la contrainte temporelle de six mois. Au délai de forclusion, survit la compétence permanente du Président. La marche victorieuse de l'islamisme violent connaît, avec l'ordonnance de mise en œuvre de “la Charte”, une victoire historique contre ses adversaires et sur ses victimes. Mais cette même ordonnance précise que ce n'est pas fini… M. H. [email protected]