Lors d'une conférence de presse, hier, Abelkader Sahraoui, chef de cabinet du ministre de la Justice/personname /, a expliqué les modalités d'application de la Charte/personname / pour la paix et la réconciliation nationale, en précisant que la mesure d'élargissement, entrée en application, hier, concerne un millier de terroristes définitivement grâciés et 1 200 autres exonérés de toute poursuite. L'ordonnance n°06-01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale est entrée en vigueur hier, 24 heures à peine après sa publication dans le Journal officiel. L'essentiel de ses chapitres étant du ressort du ministère de la Justice, il a été donné ordre à l'ensemble des juridictions à travers le pays de les appliquer promptement, notamment en ce qui concerne la remise en liberté de terroristes ayant bénéficié de la grâce présidentielle et de l'extinction de l'action publique. 1 000 terroristes graciés et 1 200 exonérés de poursuites. Environ 3 000 terroristes sont actuellement en détention. Ce chiffre, révélé hier par Abdelkader Sahraoui, chef de cabinet à la chancellerie au cours d'un briefing avec des journalistes, distingue différentes catégories faisant l'objet de traitements spécifiques énoncés dans le chapitre II de l'ordonnance signée le 27 février dernier par le président Abdelaziz Bouteflika et relative à la mise en œuvre des mesures destinées à la consolidation de la paix. Les sections 2 et 4 prévoient l'extinction de l'action publique (prévenus ou détenus en appel) et la grâce (condamnés définitifs) en direction des terroristes ayant été impliqués dans des délits faisant l'apologie du terrorisme ou son encouragement, ainsi que son financement. Selon le collaborateur de Tayeb Belaïz, environ un millier de terroristes sont éligibles à la grâce présidentielle. 1 200 autres seront bénéficiaires de l'extinction de l'action publique. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale ayant exclu de l'exonération des peines les instigateurs, les auteurs et les complices des massacres collectifs, des attentats à la bombe dans les lieux publics et des viols (article 10), des régimes alternatifs ont été prévus à leur intention. Ils portent sur la commutation et la réduction des peines dont bénéficieront approximativement 800 terroristes. “Une condamnation à mort pourrait être réduite à une peine de prison à perpétuité”, explique M. Sahraoui. Il appartient aux chambres d'accusation, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République de se prononcer dans les différentes affaires. “Les dossiers sont étudiés au cas par cas”, remarque le chef de cabinet. Ce travail est commencé depuis hier. “Le ministère prépare cela depuis des mois. Tout a été ficelé. Les listes des bénéficiaires sont établies”, argue le responsable du ministère. Depuis hier après-midi, des décisions de remise en liberté sont prononcées. Outre les juges, les règles de procédure portant sur l'extinction de l'action publique impliquent d'autres autorités compétentes, dont la police et la gendarmerie ainsi que les ambassades et les consulats. La contribution de ces services est requise notamment dans la gestion des redditions. Repentis : deux catégories ciblées. Les autorités auront à gérer deux catégories de repentis ; les terroristes ayant quitté le maquis après le 13 janvier 2000, soit la date d'expiration de la loi sur la concorde civile, et les nouveaux contingents susceptibles de déposer les armes dans un délai de six mois après la promulgation de l'ordonnance portant application de la Charte sur la paix et la réconciliation nationale. Contrairement aux détenus terroristes dont le nombre est désormais connu, les effectifs des repentis ayant abandonné l'action armée depuis six ans n'ont pas été portés à la connaissance de l'opinion publique. “Je n'ai pas les chiffres en tête”, s'excuse le collaborateur du garde des Sceaux. En tout cas, comme pour les détenus, les repentis auront droit à un traitement similaire, selon qu'ils soient coupables de massacres, de viols ou d'attentats à la bombe ou de soutien logistique et d'apologie du terrorisme. Le premier cas de figure prévoit des commutations et des réductions de peines (à l'issue de procès) et le second l'extinction de l'action publique ainsi que la grâce. Au préalable, le repenti est tenu de faire une déclaration sur l'honneur dans laquelle il doit transcrire les faits qu'il a commis, dont il a été complice ou instigateur et dévoiler les armes qu'il détient. Selon M. Sahraoui, ces aveux seront assortis d'enquêtes qui détermineront leur véracité. “Au-delà du délai légal des redditions prévu par la loi, le code pénal sera appliqué”, note le responsable du ministère. Il assure, par ailleurs, que ce code sera exécuté avec rigueur dans le cas où des repentis ou d'anciens détenus récidiveraient tel que stipulé par l'article 20 de l'ordonnance. Terroristes recherchés ou jugés par contumace : environ une centaine à l'étranger. Dans son article 6, l'ordonnance élargit l'extinction de l'action publique et la grâce ainsi que les régimes alternatifs aux individus recherchés à l'intérieur ou à l'extérieur du pays pour avoir commis des actes terroristes. M. Sahraoui évoque une centaine d'individus. Certains sont l'objet de mandats d'arrêt, alors que d'autres ont été condamnés par contumace. Licenciement administratif : réintégration ou indemnisation. Dans sa section 2, l'ordonnance spécifie les mesures au bénéfice des personnes ayant fait l'objet de licenciement pour des faits liés à la tragédie nationale. L'article 25 accorde aux anciens terroristes le droit à une réintégration dans le monde du travail ou, le cas échéant, à une indemnisation. La loi ne précise pas les modalités de cette indemnisation. Disparus : un délai de six mois pour le retrait des jugements de décès. Le décret présidentiel (un des trois textes d'application de l'ordonnance) portant indemnisation des victimes de la tragédie nationale cible exclusivement les familles des disparus. En vertu de ce décret, le dossier des disparus est définitivement clos. Car même dans le cas où les cadavres n'auraient pas été retrouvés, les magistrats peuvent délivrer des jugements de décès présumés, ouvrant droit à l'indemnisation des familles. Celles-ci ont un délai de six mois après l'établissement du procès-verbal du constat de disparition par la Police judiciaire pour réclamer le jugement. En ce qui concerne les indemnisations, le calcul de leur montant obéit aux mêmes critères ayant régi la réparation des familles victimes du terrorisme. Familles des terroristes : une pension mensuelle de 10 000 dinars. M. Sahraoui distingue la réparation des familles des disparus et l'aide allouée aux parents démunis de terroristes ayant péri au maquis. Le décret les concernant prévoit une pension mensuelle à hauteur de 10 000 provenant du Fonds de la solidarité nationale. “Au préalable, une enquête de la Police judiciaire doit déterminer si le père ou le frère terroriste ont été abattus. Une autre des services sociaux prouvera que les familles sont réellement dans le besoin”, souligne le chef de cabinet de la chancellerie. Samia Lokmane