“Je ne peux rien contre le promoteur qui a détourné une partie de la plage de Zéralda à des fins de promotion immobilière”, a reconnu Dorbane. Le ministre du Tourisme a, dans son pathétique aveu d'impuissance, donné toute la mesure de la déchéance d'un Etat : la corruption, le passe-droit et la coterie ont vidé l'Etat de tous ses ressorts de puissance publique. On comprend que le ministre du Tourisme ne veuille pas subir l'affront du ministre de l'Environnement, débouté par l'affairiste et renvoyé à ses “trains” parce que l'immobilier est une question trop sérieuse pour souffrir le romantisme écologique. Je ne demanderai pas à Dorbane de m'expliquer comment on consent à être ministre, une fois qu'on a sondé la vanité du pouvoir ministériel. Il doit, tout de même, y avoir quelque obscur intérêt à occuper un portefeuille vide. Cela dit, et malgré l'inconséquence de ces responsables qui se plaignent à une opinion encore plus découragée qu'eux, Dorbane a fait œuvre de témoignage : Le ministre a clairement justifié son impotence administrative par le fait que le promoteur en question “a des relations avec les walis, la justice, l'agence foncière, les domaines et un président-directeur général de banque.” Il aurait pu ajouter un notaire, un inspecteur général de ministres et…des ministres, tant le réseau tissé autour de ces quelques malheureuses villas semble remarquable par sa densité et le nombre de notabilités qui le composent. Dans d'autres circonstances, ils se feraient appeler “commis de l'Etat”. Un ministre qui déclare refuser d'aller devant la justice pour récupérer une assiette foncière qui revient à une “zone d'extension touristique”, c'est l'Etat qui se démarque de sa propre justice. Il proclame qu'il y a, d'un côté, un abus qu'il compte réparer par tous les moyens, et, de l'autre, l'impossibilité d'une réparation par le moyen de la justice. Le ministre est pris au piège du système, un système de réseaux solidaires et imbriqués, où l'argent, la puissance et la bureaucratie contractent des alliances propres à les mettre hors de portée de la loi et des procédures. Et comme les réseaux en question relient, on le voit, tous les secteurs impliqués dans l'entreprise de prévarications — de l'administration aux domaines, de la finance à la justice, etc. — que peut un arrêté sectoriel contre une véritable toile de solidarité et d'intérêts ? Alors le ministre n'a d'autre recours que le Conseil de gouvernement pour imposer d'autorité la restitution du terrain à sa vocation. Il oublie que le gouvernement n'est qu'un réseau formel qui, d'ailleurs, et au point où en est la situation politique, n'assure même pas la solidarité formelle qu'on exige de tout gouvernement. Le ciment des solidarités occultes, mais gratifiantes, est autrement plus solide. Une Nation reste-t-elle possible quand le clan désarme à ce point l'Etat ? M. H.