Le maire et les habitants sont sur une même longueur d'onde : La Casbah est un labyrinthe où l'Etat risque de ne pas en sortir. Trois maisons se sont effondrées, vendredi en fin de matinée, à la rue des Frères-Bachara, à La Casbah d'Alger, sans faire de victimes. Les vieilles bâtisses, qui, comme beaucoup d'autres, menaçaient de s'écrouler, avaient été évacuées quelques heures auparavant par la Protection civile. Les occupants, sept familles en tout, sont depuis réfugiés chez leurs parents ou des proches. Certains ont dû abandonner quelques affaires pour sauver l'essentiel, leur vie bien sûr. Les maisonnettes environnantes, celles de la rue Abderrahmane-Boussoura notamment, peuvent ne plus tenir longtemps ; elles ont jusque-là supporté le poids des bâtisses des Frères-Bachara mais se trouvent désormais candidates à l'effondrement. Un des habitants exprime sa terrible peur : “Nous savons que le pire peut se produire à n'importe quel moment.” Mercredi soir, le président de l'Assemblée populaire de La Casbah, M. Amor Zetili, est informé de l'imminence du danger. A deux heures du matin, il se rend sur les lieux accompagné des services techniques de la daïra. Quelques heures plus tard, il ordonne la fermeture de la route menant aux vieilles bâtisses – parler de vieilles bâtisses est en fait un pléonasme puisque tout est vieux à La Casbah — et fait évacuer les sept familles “vers la partie la moins menacée”. “Nous n'avons été évacués que vendredi matin”, oppose un des occupants. Bref. M. Zetili prend contact avec une société privée et la charge d'entamer les travaux de démolition samedi, hier donc. Mais l'effondrement s'est produit plus vite. “J'ai vu les bâtisses s'affaisser dans un grondement sourd. Toute la nuit, j'ai fait des cauchemars”, témoigne un voisin. Aujourd'hui, les habitants de La Casbah font un rassemblement devant le siège de leur APC. Ils vont “crier leur ras-le-bol, dénoncer l'injustice et la corruption, réclamer des solutions”. Amor Zetili n'a que sa franchise pour décrire son impuissance. “Le président de la République refuse d'entendre parler de tentes ou de centres de transit. Il veut loger les gens dans des appartements, or l'attribution de ces appartements est du ressort exclusif de la wilaya d'Alger. Je n'ai pas de remède magique.” Le maire affirme que les indus occupants sont légion à La Casbah : “Il y en a qui sont relogés ailleurs et qui reviennent squatter des demeures : c'est un cercle où il devient difficile de sortir.” De leur côté, les habitants sont indignés. Leurs voix sont multiples : “Ils ne viennent ici que pour le recensement, les factures, mais jamais pour proposer des solutions.” “Cela fait trente ans que j'entends les mêmes promesses ; autant en emporte le vent”. “Les logements sont distribués de manière injuste, ce sont des personnes étrangères à La Casbah qui en profitent le plus.” “Ma mère s'est évanouie, hier, après l'effondrement de ces maisons. Nous avons peur”. “Nous vivons au jour le jour.” Ce sont des appels plaignants. Poignants. La Casbah est un labyrinthe, pas seulement architectural mais aussi social. Il s'agit d'une sorte de poudrière qui explose par intermittence. Il y a urgence. L. B.