La troupe universitaire de Tizi Ouzou Imsebriden, qui a imprimé son nom dans le gotha du théâtre kabyle vers la fin des années 1980, reprend son bâton de pèlerin pour ressusciter Mohia à travers Tachbalit, après une éclipse totale qui a duré plus de 15 ans. La mort subite de Muhend U Yahia a naturellement provoqué une onde de choc chez ses fans. Les membres de la troupe Imsebriden (les passagers), éparpillés pour des raisons professionnelles à la fin de leur cursus universitaire, se sont retrouvés pour monter, une nouvelle fois, sur scène et jouer la pièce Tachbalit en guise d'hommage à celui qui a sacrifié toute sa vie pour la culture et le théâtre kabyles. Qui n'a pas en mémoire les personnages de Jeddi Yebrahim, Aali n Delon, Tajilbant, Smina n' Tazert, Hlima n' Tala, Buleghbar, Wejjir, Wejtuti, Si Qaci, Bubrun et Bugatu ? Mohia avait su manier son génie pour trouver les prénoms qu'il fallait pour adapter une œuvre du prix Nobel Italien Luigi Perandello en kabyle, en lui donnant une touche propre à la société kabyle. C'est ce génie propre à Mohia que la troupe Imsebriden voudrait faire découvrir à la génération de l'après-80. C'est par devoir de mémoire et de militant en guise d'hommage au fils des Aït Erbah que l'ensemble de la troupe est rappelé pour la circonstance. Une séance de répétition est organisée une fois par semaine à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. “Les répétitions se déroulent dans une ambiance émotionnelle”, nous a déclaré le Dr Hider Yahia, un des comédiens, en sa qualité de co-directeur de la production en compagnie de El Hassene Metref, président de la Ligue des arts dramatiques et cinématographiques de la wilaya de Tizi Ouzou. L'ambition de la troupe est de monter la pièce Tachbalit, digne d'une production théâtrale professionnelle. Selon l'estimation financière élaborée par Omar Fetmouche, directeur du Théâtre régional de Béjaïa, cette entreprise coûtera une enveloppe assez conséquente de l'ordre de 3 150 000 DA. C'est ainsi qu'un dossier de subvention bien ficelé est adressé à l'Assemblée populaire de la wilaya de Tizi Ouzou, au ministère de la Culture, au Haut-Commissariat à l'amazighité, ainsi qu'aux sponsors privés, selon le manager général de la troupe, le Dr Chebala Salah. Probablement, la pièce sera fin prête pour sa présentation en public vers la fin du mois d'avril, ajoute notre interlocuteur, qui souligne qu'il “reste simplement quelques accessoires à acquérir tels que les décors et la jarre”. La troupe est déjà sollicitée pour jouer au Théâtre national d'Alger (TNA) et au Théâtre régional de Béjaïa (TRB), selon le Dr Cheballa. Mais le souhait des membres de la troupe, selon les propos du Dr Hider Yahia, c'est de la jouer symboliquement à l'amphithéâtre Kamal-Amzal de l'Université Hasnaoua pour marquer l'anniversaire de la date de la présentation de la pièce pour la première fois au mois d'avril 1988 dans le même amphi. Et c'est aussi une occasion pour rendre hommage au jeune étudiant Kamal Amzal, assassiné par un groupe islamiste, à la cité de Ben Aknoun, le 2 novembre 1982. Le produit final sera-t-il commercialisé ? Pour le moment, selon le manager général de la troupe, “tout dépend des ayants droit de Mohia”, mais une chose est sûre, ajoute-t-il, “même si actuellement rien n'est encore envisagé, les choses se feront dans les règles de l'art, c'est-à-dire en concertation avec le fils de Mohia en particulier”. Le Dr Hider nous a fait savoir au passage, que la troupe avait reçu l'aval de Mohia lui-même de son vivant, lorsque la pièce a été jouée pour la première fois à l'Université de Tizi Ouzou, en 1988. “Il nous a même félicités pour le travail réalisé”, selon notre interlocuteur. Une chose est certaine, ajoute notre source, les comédiens et comédiennes sont en train de répéter fidèlement le texte original, sans aucune censure. Bien évidemment, du point de vue technique, des nouveautés seront introduites au niveau de la mise en scène sous la direction de Arab Belkacem. La troupe s'inscrit déjà dans la durée, selon le Dr Hider, qui souligne que “l'idée commence à germer au sein du groupe pour monter d'autres pièces dont l'objectif principal est d'impulser le théâtre d'expression amazigh, d'autant plus qu'il y est question de l'ouverture prochaine du Théâtre régional à Tizi Ouzou”. Les suggestions ne manqueront sûrement pas d'être faites à la troupe en écrivant à l'adresse e-mail suivante : [email protected] pour toute aide à ce précieux projet. M. SI BELKACEM.