Avant d'atterrir dans un cabinet de psychiatrie, le patient, tabou oblige, consulte d'abord un… taleb. La dépression, une maladie en mutation des temps modernes, a été le thème d'une étude et d'un débat scientifique de la 2e journée nationale de la psychiatrie libérale organisée, avant-hier, à l'auditorium de l'université de Béjaïa, par l'Association algérienne des psychiatres d'exercice privé en collaboration avec l'Amicale des psychiatres de Béjaïa. Une rencontre scientifique de haut niveau à laquelle ont pris part des psychiatres tunisiens et français dont le Pr Lemperière et le Dr Lacaze de France. La maladie en question s'avère difficile à définir en pratique, comme l'a souligné le Pr Belaïd de Cheraga, et aucun test biologique ne peut la diagnostiquer. “C'est une maladie à déterminisme complexe”, a-t-il soutenu dans sa communication. Des enquêtes récentes menées en Europe et aux USA démontrent que plusieurs facteurs, endogènes ou exogènes, sont à l'origine de la dépression d'un être humain. Les aléas de la vie, l'absence de repères, la crainte de l'échec, la perte d'un être cher, le choc émotionnel sont autant de facteurs externes et internes qui conduisent une personne à une dépression.En Algérie, où il n'y a pas de statistiques, la maladie demeure toujours, selon les psychiatres algériens intervenants, un sujet tabou.“Plus de 50% des déprimés algériens consultent d'abord un taleb et un darwiche avant de voir un généraliste”, a déclaré le Dr Herbane dans sa communication sur l'“Expression de la douleur morale”. C'est dire que le problème est plus complexe chez nous qu'ailleurs dans les pays développés. Le coût des soins d'un déprimé revient trop cher non seulement en termes d'achat de son traitement, mais aussi des frais d'hospitalisation et d'arrêt de travail. “La dépression se situera à la 2e place en termes de coût parmi les différentes maladies”, signale le Pr Belaïd.Quant aux soins à prodiguer à un patient déprimé, un traitement biologique ou thérapeutique, ou les deux à la fois, on estime que les antidépresseurs ont bouleversé le monde de la psychiatrie. C'est pourquoi il est jugé par certains communicants psychiatres qu'un même traitement ne doit pas être prodigué au-delà de six mois pour un patient s'il n'a pas donné de résultats. Néanmoins, l'évolution de la science dans le domaine, selon le Dr Lacaze, a suscité l'espoir dans l'utilisation de la stimulation magnétique transcrânienne, stimulation cérébrale. En outre, il a été souligné que le programme de Gotland (Suède), qui a inclus la formation des généralistes dans le domaine et puis perfectionné dans le programme de Nuremberg (Angleterre), qui a rajouté un centre de contrôle, et la sensibilisation du public par un programme de proximité ont laissé un impact positif.Cette expérience de Nuremberg est actuellement en cours dans 18 pays de l'Europe. L. Oubira