Le président du Mouvement de la société pour la paix exige, dans une interview accordée à l'organe central de son parti (dernière édition), l'installation d'un chef de l'Exécutif “neutre et technocrate”. Aboudjerra Soltani n'a jamais été aussi clair, lui qui a l'habitude d'arrondir les angles lors des multiples conférences de presse qu'il a animées depuis son installation à la direction de son parti. Dans une interview-confession qu'il a accordée à l'organe central du MSP Ennaba dans sa dernière édition, il demande expressément le départ du Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia “avant la fin 2006” et ce, en prévision des élections législatives de l'année prochaine. L'année 2007, dira le chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP), est “une année charnière qui verra le déroulement d'échéances électorales sensibles”. Et pour garantir, selon lui, leur crédibilité et leur propreté, “il faut un Chef du gouvernement neutre, n'ayant aucun rapport ni avec les partis ni avec les syndicats ou une quelconque faction politique”. Ce sont les raisons, ajoutera Aboudjerra Soltani, “qui nous ont conduit à réitérer, à chaque fois, cette revendication à persistance : le prochain Chef du gouvernement doit être un technocrate”. À une question s'il l'a fait savoir au président de la République à qui il reconnaît, au début, le droit constitutionnel de changer le responsable de l'Exécutif, le président du MSP affirmera que le chef de l'Etat est “conscient de cette revendication politique juste pour garantir le bon déroulement des prochaines élections”. “Notre revendication, expliquera-t-il encore, a été rendue publique, on ne l'a pas cachée.” Le discours, selon lui, a été “tellement clair que le message est parvenu et entendu dix sur dix”. Aboudjerra Soltani qui se targue d'avoir acquis “relativement une grande expérience dans la question des élections, se dit, toutefois, craindre le retour des anciennes pratiques de fraude, l'implication de l'administration dans la surveillance des urnes et la manipulation des listes électorales”. Le chef du MSP, qui a prédit lors de son dernier passage au Forum hebdomadaire de l'ENTV, l'arrivée au pourvoir de son parti en 2012, veut d'abord défraîchir le terrain pour les élections de 2007. Il réitérera, d'ailleurs, à maintes reprises, la demande de son mouvement de voir la loi électorale en vigueur révisée avant la date fatidique de ces rendez-vous qu'il qualifie, à juste raison, de décisifs et sensibles. Aboudjerra Soltani semble avoir le vent en poupe, lui qui se considère être “l'un des artisans” d'abord de la réconciliation, puis un acteur efficace dans la moralisation de la vie publique. N'est-ce pas lui qui a fait pression pour supprimer les programmes de l'émission Star Academy de l'ENTV ? Le chef islamiste a laissé même entendre que la réintroduction d'el-adhan à la télévision était l'un de leurs combats qui a fini par aboutir. Autant “d'acquis” alors qui donnent des ailes à la section algérienne de l'Internationale islamiste. Autant d'atouts aussi qui la renforcent dans sa conviction que “bien des victoires électorales lui ont été arrachées” et qu'il s'agit désormais de garantir en demandant la tête du Chef du gouvernement avant la fin l'année 2006, c'est-à-dire à la veille des élections législatives et locales de 2007 lors desquelles le MSP compte grossir ses rangs en ouvrant ses portes aux islamistes dépourvus de cadre politique pour peu que ces derniers jouissent ou recouvrent éventuellement leurs droits civiques à la faveur de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et ces généreuses ordonnances d'application. Ainsi, en s'en prenant frontalement à Ouyahia, son Premier ministre, mais également partenaire au sein de la coalition, Soltani lance sa campagne législative et se fait entendre. D'ailleurs, l'invitation lancée à Mouloud Hamrouche, annoncée comme présidentiable en 2009, est, en soi, considérée comme un autre pique à l'égard d'Ouyahia. Saïd Rabia