Une rencontre littéraire animée par Mme Nadjet Khadda, ayant pour thème “Dib, Feraoun, Mammeri et Kateb, constructeurs de la modernité textuelle” a eu lieu au Musée national des beaux-arts d'Alger. Nadjet Khadda, universitaire et critique littéraire qui n'est plus à présenter aux regards de ses travaux de recherche et d'œuvres écrites, notamment sur Mohamed Dib dont elle est devenue une spécialiste et préside, de ce fait, le jury du Prix littéraire Mohamed Dib, a choisi de revenir sur quatre figures emblématiques de la littérature algérienne en abordant l'historique de la naissance de la littérature algérienne d'expression française avec ses précurseurs devenus des classiques et des références : Kateb Yacine, Mohamed Dib, Mouloud Mammeri et Mouloud Feraoun. C'est tenter de restituer ces écritures dans le contexte et l'époque dans lesquels elles sont nées, tout en apportant une analyse et une critique de ses œuvres, abordant le style, l'inspiration, l'engagement, l'identité, le contexte politique entre autres, afin de mieux comprendre cette littérature. “ Les écrivains des années 1950 m'apparaissent comme de grandes figures en tant qu'individus et en tant qu'écrivains dont les œuvres sont incontournables”, a indiqué, dans son introduction, l'universitaire mettant en exergue leur engagement politique ainsi que leur apport dans le domaine du roman. La naissance de cette littérature algérienne d'expression française, a apporté un regard nouveau, voir authentique sur cette Algérie qui, depuis l'expédition de 1830, a été mise au goût littéraire. Perdue entre les comptes- rendus des premiers voyageurs, des carnets de militaires, des notes de guides, des toiles d'artistes, plus tard viennent les regards émerveillés, captifs, flâneurs, sur les courbes d'une ville, d'un pays inspirateur, des écrits du soleil. Fromentin, Maupassant, Gautier, puis les plumes algériennes s'affirment devant ce pays qui devient déchirure pour les uns. Mohamed Dib, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun et Kateb Yacine portent, eux, des regards diffèrents sur une société que la colonisation a acculturés, alors que tout se crée et se recrée dans un pays qui, lui-même, est en quête d'une identité et d'un espace. Ces écrivains qui, chacun s'installant dans sa logique créatrice, ne perdent pas de vue l'essentiel de cette écriture d'engagement et de dénonciation. “Les œuvres de ces auteurs, qui étaient très mobilisés sur le problème de l'identité nationale, étaient empreintes d'une grande liberté sur le plan technique”, a noté Mme Nadjet Khadda, mettant en exergue la mobilisation de ces écrivains dès la fin des années quarante. La revendication a été la lame de fond qui a porté ces écrivains, témoins de leur époque et dont la prise de parole a été une affirmation de soi. Il faut, cependant, comprendre, ou plutôt situer ces écritures dans le contexte politique, particulièrement douloureux dans lequel elles sont venues. Nadjet Khadda a estimé que cette littérature a été “surdéterminée” par le politique et l'histoire l'a imposée, citant à titre d'exemple, le cas de Kateb Yacine pour qui les massacres du 8 Mai 1945 ont été "déterminants" dans sa prise de parole. En abordant le côté technique et esthétique des œuvres de Dib, Kateb, Mammeri et Feraoun, la critique a estimé avant tout que chacun de ses écrivains, par le travail accompli sur le plan écriture, “ fait entrer l'écrivain dans une expérience sociale, existentielle qui va le transformer” et “chaque auteur a son propre univers, sa propre écriture et c'est cela qui fait d'eux des maîtres”. Cette littérature s'est faite nouvelle et moderne notamment, se détachant des écritures déjà existantes, car même “en reprenant l'exigence esthétique du roman du XIXe, leurs écrits ont fractionné le modèle importé”. Le style de ces écrivains des années 1950 est pour Nadjet Khadda “une rencontre” entre les techniques narratives du terroir et celles importées. Une démarche moderne qui se caractérise notamment dans les œuvres de Dib qui “affiche des éléments du terroir et que dans sa fresque de la société, il exhibe les preuves d'une culture et d'une civilisation antérieures à la domination française”. Nassira Belloula