Vous rendez-vous compte ! Si Ben Laden avait été abattu pendant l'attaque alliée contre l'Afghanistan, qui, aujourd'hui, aurait apporté la preuve de la connivence entre Saddam Hussein et Al-Qaïda ? L'argumentation américaine tourne au ridicule et laisse progressivement transparaître l'indigence intellectuelle de l'équipe Bush. Colin, fausse colombe et “vrai-faucon” fait feu de tout bois, y compris des preuves en carton de Blair, lamentable emprunt clandestin d'un travail d'étudiant. Tout le monde sait que Bush veut sa guerre parce qu'il veut la peau de Saddam. Quitte à faire payer à tous les Irakiens, qui subissent les abus du dictateur, un surnuméraire. Car autant est-il question de Saddam, autant le peuple irakien “victime” désignée de la guerre comme de la paix, est occulté dans le débat qui précède une guerre déjà décidée. Les positions des uns et des autres ne sont plus que des professions de foi pour la postérité. La “communauté internationale” autoproclamée, et qui n'est que la communauté des puissances — ou plutôt de leurs Etats puisqu'à l'image de Blair, certains d'entre eux s'en vont en guerre contre la volonté de leurs peuples — commence à s'effriter devant l'inconsistance de l'argumentaire américain. Pathétique désarroi de la Maison Blanche qui se précipite pour approuver un discours de Ben Laden où elle croit puiser un surplus de preuves : après les Palestiniens livrés par la coalition de puissance qui fait office de “communauté internationale”, l'abus israélien est ainsi poussé dans les bras de l'intégrisme, voici venu le tour des Irakiens, longtemps préservés, par la grâce — et par le drame — d'une dictature laïque, d'être acculés, à leur corps défendant, vers le camp islamiste. Il n'y aura pas beaucoup de démocrates – déjà qu'ils ne sont pas nombreux — dans le monde musulman pour pleurer Saddam ; mais il n'y en aura pas pour applaudir une nouvelle sanction contre un peuple déjà passablement éprouvé par deux décennies de guerre et de privations. Bush aura réussi là où le fondamentalisme triomphant a échoué : il est sur le point de converti Saddam à l'islamisme. En 1991, Saddam s'était déjà adapté à l'air mobilisant de l'époque en inscrivant la profession de foi islamique sur l'emblème d'un pays qu'il tyrannisait mais qu'il voulait laïque et multiconfessionnel. Bush croit à une mission rédemptrice de l'Amérique. Il est en plein délire mystique. L'Amérique se moque du protocole de Kyoto ; les Américains ne supportent pas de relever d'une éventuelle justice internationale. Même un taliban a échappé à Guantanamo parce qu'il est américain. L'Amérique a déjà dilapidé le capital antiterroriste accumulé au lendemain de la tragédie du 11 septembre. Le comble c'est qu'elle ne cesse, depuis, de renforcer le terrorisme. Comment ? En ajoutant à l'outrage de son arrogance, le discrédit d'une supposée justice internationale. Mais aussi, en refusant aux Palestiniens le droit au terrorisme accordé aux Israéliens, en refusant à l'Irak l'armement toléré pour la Corée du Nord, les USA ajoutent au joug des tyrans, le désespoir de l'arbitraire du plus fort. M. H.