Si les associations des malades chroniques ne s'inquiètent pas trop de l'usage systématique des génériques puisque leurs traitements ne sont pas concernés, le syndicat des pharmaciens s'insurge contre l'application brutale de la nouvelle mesure du ministère de la Santé. Un petit tour dans les officines d'Alger-Centre renseigne un tant soit peu sur les appréhensions des pharmaciens quant à la mise en application de la nouvelle réglementation relative au remboursement des médicaments sur la base du prix de référence. L'objectif du ministère de la Santé et de la Population est de généraliser l'utilisation des génériques et alléger, en conséquence, la facture de la Caisse nationale de la Sécurité sociale et aussi celle de l'importation des médicaments. “Nous ne sommes pas contre le principe, mais nous aurions souhaité être associés à cette décision pour que nos intérêts et ceux des malades ne soient pas lésés”, déclare M. Zemmouchi, président du Syndicat national des pharmaciens (Snapo). Ses pairs, en contact direct avec les clients, ne savent pas encore comment leur présenter la situation. “Est-ce que nous devons leur imposer l'achat de génériques ou juste les avertir que s'ils préfèrent consommer les molécules mères, ils devraient payer la différence des prix qui peut atteindre, parfois, jusqu'à 2 000 dinars ?” nous dira un pharmacien à la rue Didouche-Mourad. Un de ses confrères, installé à la même rue, pense avoir du temps avant d'être confronté au problème. “Le ministère choisira des régions-pilotes à l'intérieur du pays. La mesure ne sera pas appliquée tout de suite à Alger”, nous informe-t-il. Pour lui, ce n'est pas tant le fait de favoriser la consommation des génériques qui pose problème, mais plutôt les contrôles médicaux auxquels sont astreints les malades dès que le montant des médicaments prescrits sur l'ordonnance dépasse un seuil établi par les autorités. “En attendant, le malade est privé de traitement.” Pour éviter les difficultés induites par la nouvelle politique du ministère de la Santé, certains pharmaciens ne veulent plus souscrire à la convention du tiers payant avec la caisse de la Sécurité sociale. “Ce n'est pas une solution. De toute manière, 80% des 5 000 pharmacies et officines opérationnelles en Algérie sont conventionnées avec la Cnas”, assure M. Zemmouchi. À ses yeux, la tutelle s'est précipitée à mettre à exécution sa décision sans prendre en compte les conséquences qui en découleront à court et moyen terme. “Nous nous sommes rapprochés du ministère pour discuter des aspects négatifs de cette mesure, mais le train était déjà en marche. Il va faire bientôt de la publicité pour les génériques”, regrette notre interlocuteur. De son avis, il fallait donner un délai aux pharmaciens pour leur permettre d'écouler leurs stocks de molécules d'origine et surtout évaluer l'impact financier de cette entreprise sur leur caisse. “Le tarif de référence est de 30% inférieur au prix de la molécule d'origine. Cela se traduira par des pertes substantielles du chiffre d'affaires des pharmaciens”, explique-t-il. “Il aurait fallu penser soit à augmenter la marge bénéficiaire des pharmaciens, soit alléger leurs charges fiscales pour équilibrer la balance”, ajoute-t-il. Il précise que le tarif de référence est calculé sur le prix de l'unité et non pas sur le prix de la boîte de médicament. Il s'avère parfois que ce tarif de référence soit inférieur au prix à la vente, même pour le générique. “La différence est donc prise en charge par le malade.” Pour l'heure, les cotisants ne comprennent pas vraiment les changements attendus dans le remboursement des médicaments. M. Ouhada, président de l'Association nationale des diabétiques, évacue carrément le problème de ses préoccupations. “Les tarifs de référence ne toucheront pas l'insuline ni les comprimés prescrits pour les diabétiques de type 2”, affirme-t-il. Etat d'esprit identique chez M. Mokbi, représentant de l'association des hypertendus. “Nous ne sommes pas contre l'utilisation des génériques pour peu que leur efficacité est prouvée. Et puis c'est au malade de décider de payer cher pour ses médicaments ou pas”, déclare-t-il. “Il n'y a pas de génériques pour le traitement des maladies chroniques”, souligne-t-il. La nomenclature des médicaments remboursables sur la base des tarifs de référence liste, jusqu'alors, 950 marques représentant environ 100 molécules. S. H.