Dans un contexte énergétique difficile, les prix du pétrole grimpent, les stocks chutent aux Etats-Unis, les scénarios sur l'Irak après Saddam Hussein se multiplient et les avis divergent sur l'avenir du contrôle des énormes réserves pétrolières contenues dans son sous-sol. “Le pétrole appartient au peuple irakien”, a réaffirmé jeudi le secrétaire d'Etat américain Colin Powell devant le Congrès en promettant que les 22 milliards de dollars de revenus pétroliers annuels du pays seraient utilisés “au bénéfice du peuple irakien”. “C'est une obligation à laquelle la puissance d'occupation doit se soumettre”, avait-il estimé. Pourtant, “un nouveau régime à Bagdad pourrait bien dérouler le tapis rouge aux multinationales du pétrole”, selon Michael Renner, chercheur au Worldwatch Institute, qui rappelle les liens étroits avec les milieux pétroliers du président George W. Bush et du vice-président Dick Cheney. Cela pourrait entraîner “une vague de dénationalisations dans l'industrie pétrolière, assenant un grand coup à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et assurant à l'Irak le rôle de principal levier face à l'Arabie Saoudite”, explique-t-il. Les réserves irakiennes, plus de 112 milliards de barils et des ressources potentielles supérieures à 220 milliards de barils, placent ce pays au deuxième rang mondial derrière l'Arabie Saoudite. Les coûts de production y sont parmi les plus faibles du monde rendant ce marché “hautement attractif”, note l'Agence américaine d'information sur l'énergie (dépendant du département de l'Energie) sur son site Internet. La capacité de production se situe entre 2,8 et 3 millions de barils par jour (mbj). “Il est très important que les amis texans de MM. Bush et Cheney n'obtiennent pas la majorité des contrats pétroliers (…) ni que les Américains décident de la répartition de ces contrats”, affirme Michael O'Hanlon, spécialiste du Moyen-Orient à la Brookings Institution. “Il faut inclure l'ONU et le nouveau gouvernement irakien le plus tôt possible dans le processus pour qu'on puisse avoir un sentiment de distribution équitable et d'impartialité et que les Français et les Russes, par exemple, soient traités équitablement”, ajoute-t-il. Depuis la nationalisation du pétrole irakien en 1972, les compagnies américaines et britanniques sont absentes de ce marché. Plusieurs groupes européens, russes, français, italiens, et la compagnie nationale pétrolifère chinoise ont déjà signé des contrats avec Bagdad, mais les sanctions imposés par l'ONU après la guerre du Golfe empêchent leur mise en œuvre.