Cinq ans après l'invasion de l'Irak, «le bilan pour les Etats-Unis comme pour bien d'autres, n'est pas moins catastrophique dans le domaine pétrolier que dans les domaines militaire, économique ou politique», estime le président du Centre arabe d'études pétrolières (CAEP), M. Nicolas Sarkis. Dans la revue du CAEP, Pétrole et gaz arabes (PGA) à paraître mardi, M. Nicolas Sarkis indique que les réalités de l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis se situent «aux antipodes» de leurs visées énergétiques et que, dans cette région, «La guerre du pétrole est encore à ses débuts». Pour M. Sarkis, le renversement du président Saddam Hussein «était pour l'administration Bush l'occasion rêvée pour mettre la main sur les 115 milliards de réserves prouvées de l'Irak, privatiser son industrie des hydrocarbures, développer rapidement sa production, faire baisser les prix et créer un rival redoutable à l'Arabie Saoudite». Cependant, «ce qui s'est passé depuis se situe aux antipodes de cette chimère», ajoute M. Sarkis. Avec «une production irakienne qui oscille aux alentours de 2 mbj contre 2,6-2,8 mbj avant la guerre de 2003, et des prix du pétrole qui ont quadruplé, l'administration Bush n'a plus d'autres choix que de demander à l'Arabie Saoudite, sans grand succès du reste, d'augmenter sa production pour casser la spirale de la hausse des prix», estime l'éditorialiste de PGA. Dans ce contexte, M. Sarkis souligne que «la guerre pour le pétrole à proprement parler semble être encore à ses débuts». Selon lui, elle se développe en réalité à «deux niveaux largement connectés l'un à l'autre». D'un côté, il y a «les conflits qui vont en s'aggravant entre les forces politiques irakiennes, c'est-à-dire essentiellement entre les Kurdes, les Chiites et les Sunnites, pour le partage entre eux des ressources en hydrocarbures du pays». En effet, le gouvernement irakien et les autorités kurdes s'opposent sur leur légitimité respective à gérer les gisements d'hydrocarbures locaux. D'ailleurs, le ministre irakien du Pétrole a affirmé, en novembre dernier, avoir annulé une quinzaine de contrats pétroliers signés par les autorités du Kurdistan irakien. De l'autre, il y a «la course au pétrole irakien que se livrent près de 130 sociétés étrangères, avec, évidemment, à leur tête les cinq majors et les grandes puissances». M. Sarkis précisera, par ailleurs, que «l'obstacle majeur reste la promulgation d'une nouvelle loi pétrolière fédérale, dont le projet a été élaboré en 2006, qui définirait les nouvelles règles du jeu et remplacerait la loi actuelle promulguée» sous le président Saddam Hussein. L'adoption de cette nouvelle loi suppose un consensus national qui, selon M. Sarkis, est rendu extrêmement difficile à réaliser à cause de «la guerre civile qui sévit depuis 2003 et à cause de la constitution de 2005 qui prévoit une répartition des pouvoirs, dans ce domaine comme dans les autres, entre, d'une part, le gouvernement central de Baghdad et, d'autre part, les gouvernements régionaux».