Chirac savait aussi que les Algériens ne se laisseront pas indéfiniment duper par le refus viscéral des autorités françaises d'inscrire la “repentance” vis-à-vis de l'Algérie et des crimes coloniaux français dans les mémoires, à défaut de l'inscrire dans l'agenda du Parlement français. Condamnées par la géographie, les relations algéro-françaises demeurent empoisonnées par l'Histoire. La visite de Philippe Douste-Blazy à Alger, malgré les faux-semblants diplomatiques, est un échec patent. Les deux Etats demeurent plus que jamais campés sur leurs positions respectives, et le fait que le chef de la diplomatie française rentre bredouille à Paris ne fait qu'accentuer le malaise. Car quoi qu'on dise, le traité d'amitié a basculé de la “une” vers la rubrique nécrologique des relations bilatérales. C'est un cadavre sur lequel se sont penchés Bedjaoui et Douste-Blazy. Avant son arrivée, le ministre français, médecin de son état, avait la lourde charge élyséenne de réanimer un comateux au pouls extrêmement faible. Il n'aura pas réussi, donnant encore plus l'impression que les positions sont chroniquement antagonistes. Du côté d'Alger, on prépare déjà le cercueil. Le traité d'amitié devra attendre le corbillard de 2007, année charnière en France, pour voir ensevelis les rêves de Chirac d'être un second Mitterrand, qui aura marqué son histoire avec le traité franco-allemand. Bouteflika ne lui fournira pas la porte de sortie honorable qu'il espérait, ni à la frange de la droite dure de l'UMP, pour laquelle les voix de l'extrême droite sont plus précieuses que celles des demandeurs de visa algériens. Car, faut-il s'en souvenir, l'article 4 du 23 février 2005 a été préfabriqué en France et s'est “ramassé” en Algérie. Une polémique qui n'a servi qu'à éloigner les deux pays de leur désir de construire quelque chose de grandiose pour les générations futures. Or, Chirac le savait. Il connaît le nationalisme exacerbé des Algériens, rendu somme toute légitime par l'absurdité des députés français qui, ironie du sort, se recrutent à l'UMP de Chirac, Sarkozy et de Villepin. Chirac savait également que son amitié inconditionnelle envers Mohammed VI, mais surtout l'acharnement du Quai d'Orsay à donner corps aux propositions incongrues du Maroc ne peuvent peser lourd devant la pérennité des relations entre Alger et Paris. Chirac savait aussi que les Algériens ne se laisseront pas indéfiniment duper par le refus viscéral des autorités françaises d'inscrire la “repentance” vis-à-vis de l'Algérie et des crimes coloniaux français dans les mémoires, à défaut de l'inscrire dans l'agenda du Parlement français. Tout cela, Douste-Blazy ne le savait que trop bien du fait qu'il est l'un des initiateurs d'un article de loi scélérat, dont les conséquences logiques ont fini par atomiser le traité d'amitié. Maintenant, il faut redéfinir sur quelle base les relations algéro-françaises vont se “refonder” encore une fois. Sur le commerce extérieur ? Les visas ? L'humain ? Sans être excessivement pessimiste, le dernier des observateurs sait, hors volontarisme surfait, que le traité d'amitié n'a besoin que d'une oraison funèbre. Que l'enterrement qui se prépare pour ce “pacte” se doit d'être grandiose pour maintenir, un tant soit peu, l'illusion qu'on peut transcender une histoire commune inachevée. M. B.