Au mausolée de Massinissa, le fondateur de l'état numidien, les préparatifs allaient bon train pour accueillir le chef de l'Etat au cours de la deuxième journée de son périple constantinois. Peinture, drapeaux, goudron, chaussée. Tout est mis en œuvre pour donner une belle image du site archéologique plus que millénaire et inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Malheureusement, le site est interdit d'accès aux multiples visiteurs qui profitent de l'occasion pour le “découvrir”. Un grillage en interdit l'accès. Les gens se contentent de flâner tout autour. Rares sont ceux qui connaissent l'identité réelle et l'œuvre de celui qui a valu à la nouvelle ville de Massinissa son appellation. “Je ne sais pas... Je suis originaire de Constantine, mais j'habite maintenant à Massinissa... Les vieilles femmes disent que c'est un ouali”, répond un des passants. Cette explication se répète à plusieurs reprises. “On ne sait pas... Cela fait des années que l'on vient faire des footings, se balader, mais il n'y a personne pour nous dire ce qu'il y a réellement sous cet amas de pierres...”, précise un Constantinois de 46 ans. Un autre demandera des explications sur Massinissa et cherchera à savoir s'il a récité la chahada avant de mourir. “Est-ce qu'il était musulman ou bien chrétien ? On nous a dit qu'il n'était pas musulman”, interroge le passant. Comment expliquer dès lors à ces personnes qui vivent dans la nouvelle ville de Massinissa, que le fondateur de l'état numidien a vécu entre 238 et 148 avant J.-C. “Au lieu de nous faire une émission sur Massinissa, ils nous ramènent Star Academy. Comment voulez-vous qu'on connaisse notre histoire ?” relève un jeune homme. Mieux encore, les habitués du lieu estiment que celui-ci n'est pas mis en valeur, ni valorisé. Sauf quand le Président se déplace sur le site. “Le Prophète tout le monde le connaît, mais rares sont ceux qui connaissent les dates de sa naissance et de sa mort, alors là Massinissa ! L'histoire est marginalisée. Il n'y en a plus, même Ibn Badis peu de gens savent qu'il était mort en Syrie”, s'indigne un sexagénaire. La ville nouvelle s'est érigée sans que les repères suivent. “Si Bouteflika ne s'était pas intéressé au site, il n'y aurait même plus de mausolée aujourd'hui”, précise un habitué. Il donnera pour preuve l'amas de pierres, qui représente, selon lui, un second édifice. “Vous voyez ces pierres, c'est un autre dharih, ils veulent le reconstruire...” L'amas de pierres en question est l'objet d'un litige actuellement entre le ministère de la Culture et la wilaya de Constantine. Le ministère ne veut pas que les travaux de restauration et de réhabilitation se fassent sans qu'il n'y ait une étude préalable déterminant le remontage définitif des éléments. En contrebas du tombeau, les engins de travaux publics sont à pied d'œuvre. Y a-t-il eu des fouilles archéologiques préalables ? Nul n'est en mesure d'y répondre. La responsable du site étant absente, selon les gardes présents, pour cause de convocation chez le wali. À en croire les Constantinois, il a fallu que le président de la République accorde une attention particulière au site pour que celui-ci sorte des abîmes dans lesquels il était enterré. “C'est Bouteflika qui a redonné vie à Massinissa. Si ce n'était pas lui, on n'en entendrait même pas parlé. S'il s'était effondré personne ne l'aurait su. Les vestiges historiques sont laissés pour compte”, assure un Constantinois de passage. Malheureusement, la célérité mise dans la réalisation des travaux, les différents chantiers menés actuellement au niveau du site et aux alentours risquent de mettre en danger le mausolée. Le chef de l'Etat, lui, a un parcours balisé par les repères historiques. Deux jours durant, il visitera à Constantine des lieux hautement symboliques ou qui ont une valeur historique. Il ira se recueillir au cimetière de Constantine sur la tombe d'Abdelhamid Ibn Badis, avant de se diriger à l'Institut du même nom pour inspecter les travaux de réhabilitation. Au cours de son parcours, il aura également un accueil populaire à la place des Martyrs. Il visitera également la Grande-Mosquée et l'université Emir-Abdelkader où il procédera à l'ouverture du 7e colloque national sous le thème “Démocratie en Algérie : réalité et perspectives”. L'histoire de la ville et de la région est intrinsèquement liée à celles des pierres quelles qu'elles soient. Celle de Massinissa, de l'école coranique d'Ibn Badis ou encore de la prison Caudiat. S. S.