Le leader du RCD est pour l'officialisation de la langue amazigh dans le cadre d'un Etat unitaire régionalisé. “Nous devons beaucoup à Mouloud Mammeri ; c'est sa vision des choses qui a permis à notre génération de reprendre le témoin”, souligne Saïd Sadi, qui a animé, hier, une conférence à l'auditorium de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, à l'occasion du 26e anniversaire du Printemps berbère. Parce qu'il était l'un des acteurs importants de Tafsut imazighen, le Dr Sadi ne pouvait rater un tel rendez-vous avec l'Histoire. Toujours égal à lui-même, le président du RCD est venu devant la communauté universitaire apporter son témoignage sur la symbolique du 20 Avril ; un resourcement qui tombe à pic en ces temps d'incertitude. Dans une salle archicomble, Saïd Sadi a recentré le débat sur cet épisode crucial de l'histoire de l'Algérie indépendante. “Il y a nécessité de restituer le 20 Avril dans sa dimension historique, politique et symbolique”, dira-t-il d'emblée, en estimant que “le 20 Avril est la traduction la plus fidèle de la plate-forme de la Soummam de l'Algérie d'après-guerre”. Le Dr Sadi regrette que le pays “se tourmente” encore dans des débats que la plate-forme de la Soummam avait pourtant tranchés. L'invité de la CLE (Coordination locale des étudiants), organisatrice des festivités du Printemps berbère, ne manquera pas de faire une digression sur un dérapage récent survenu à la fac, lorsque le recteur de l'université Mouloud-Mammeri avait interdit une conférence du Dr Mouloud Lounaouci, autre animateur d'Avril 1980. “Une université qui refuse le débat politique est une université archaïque”, dénonce le conférencier. Qualifiant le 20 Avril de repère politique et symbolique, ce dernier reconnaît que le mérite revient à sa génération d'avoir inventé le combat pacifique, “un capital à préserver”, dit-il. Et c'est cette génération de militants formée politiquement par Mammeri, “un véritable intellectuel qui avait pris le risque de poser la problématique identitaire, en installant l'Algérie dans ses repères historiques, culturels et identitaires”, qui avait su coupler la revendication identitaire aux libertés démocratiques, poursuit le président du RCD pour qui Avril 1980 constitue historiquement l'acte de naissance de l'Algérie démocratique, en ce sens qu'il a réhabilité le débat politique public. C'est pourquoi, il faut protéger les repères et les valeurs sur lesquels se construit une nation, explique-t-il encore. Et ce n'est pas un hasard si l'on s'échine aujourd'hui à souiller le message du 20 Avril en brouillant les mémoires. “Mais nous avons l'Histoire et la mémoire avec nous”, rassure-t-il son auditoire. Actualité oblige, le Dr Sadi qualifiera la Charte pour la paix et la réconciliation de “crime historique”. “C'est un désastre de cultiver l'oubli, mais il n'y a pas d'oubli dans l'Histoire”, assène-t-il, précisant au passage que cette démarche, qui exclut la justice et la vérité, est “la plus grave faute politique que l'Algérie ait connu depuis l'indépendance”. “Le refoulement n'a jamais réglé de problèmes”, prévient le docteur Sadi. YAHIA ARKAT