Le maintien de l'option militaire contre l'Irak risque de déboucher sur l'objectif inverse de celui qui est visé par l'opération “liberté immuable”. L'administration Bush est résolue de faire la guerre à Saddam avec ou sans l'adhésion de la communauté internationale. Cet entêtement des USA à recourir à la force contre un pays qui se montre, de l'avis même des chefs des inspecteurs de l'ONU, de plus en plus coopératif, dévoile les objectifs réels de cette action. Le monde découvre chaque jour que l'équipe de Bush a bel et bien caché les enjeux d'une option lourde de conséquences. La démonstration de puissance à laquelle se livre l'armée américaine est de nature à transformer la région en une véritable poudrière. L'une des premières conséquences est que, d'ores et déjà, un regain du sentiment anti-américain dans les pays musulmans, assorti d'un climat de peur et d'inquiétude se fait remarquer, tandis que s'amplifie l'esprit de vengeance. Cet état de fait risque de réveiller les vieux démons à l'avantage des mouvements extrémistes et intégristes. La guerre contre l'Irak ne sera alors que le détonateur pour d'autres guerres plus féroces et encore plus difficiles à maîtriser et à arrêter. Les fondamentalistes et islamistes, partisans de l'instauration des régimes théocratiques par la force, vont certainement mettre à profit cette brèche que leur offre la décision américaine pour décréter un “djihad contre l'ordre établi”. Il est évident qu'il s'agit là d'une aubaine qui leur permet de se redéployer après avoir été réduits au silence par l'opération “liberté immuable”, déclenchée par le même Bush au lendemain des attaques du 11 septembre 2001. Ironie de sort, les USA qui ont fait reculer la montée du fondamentalisme islamiste risquent, fort aujourd'hui, de la réactiver. La perspective de la guerre contre l'Irak est une occasion en or pour ces mouvements de mettre en application leur projet macabre. Les islamistes tenteront de canaliser la colère et l'indignation des populations contre les intérêts américains et plonger toute la région dans un désordre dont ils seront, en définitive, les seuls bénéficiaires. En Iran, en Egypte, en Palestine, au Liban, en Tunisie, au Maroc comme au Pakistan, en Afghanistan, en Tchétchénie, en Turquie, mais aussi en Algérie, le terrorisme risque de gagner en intensité et de réoccuper le terrain au nom d'une instrumentalisation des sentiments religieux des peuples qui refusent la guerre quand toutes les voies de la paix n'ont pas été épuisées, mais surtout quand, comme c'est le cas pour l'affaire irakienne, elles n'ont pas été toutes explorées. La guerre que veut l'administration Bush est inutile, voire hautement dangereuse car elle est porteuse de gros risques de dérapage. La brèche par laquelle vont s'engouffrer tous les “Ben Laden” tapis dans l'ombre aux quatre coins de la planète est à même de remettre en cause les résultats des offensives engagées ces dernières années contre le terrorisme et le fanatisme. Les USA, qui ont inscrit la lutte contre ce fléau dévastateur parmi leurs priorités depuis les évènements du 11 septembre vont-ils continuer à agir dans un sens qui favorise la recomposition et le redéploiement de cette hydre qui pourrait alors frapper plus fort que jamais ? Le maintien de l'option militaire contre l'Irak risque de déboucher sur l'objectif inverse de celui qui est visé par l'opération “liberté immuable”. M. A.O.