Après plus de 7 ans de tension, Alger et Nouakchott semblent revenir à de meilleurs sentiments. Loin des querelles de personnes, un axe stratégique se reconstruit. Le président du Conseil militaire mauritanien pour la justice et la démocratie (CMJD), le colonel Ely Ould Mohamed Vall, sera aujourd'hui à Alger pour une visite officielle de deux jours sur invitation de Abdelaziz Bouteflika. Une première. Depuis le changement de régime à Nouakchott, la normalisation des relations bilatérales s'opère à grande vitesse. D'autant que le repositionnement politique mauritanien favorise le rapprochement. Les deux capitales renouent en mettant de côté les querelles du passé. Exit les tensions et les attaques interposées après la normalisation totale des relations entre la Mauritanie et Israël en 1999. Mouaouia Ould Taya n'ayant pas apprécié les déclarations d'Abdelaziz Bouteflika à ce sujet, les relations bilatérales en avaient été grandement affectées. Elles étaient quasi gelées depuis. Oubliée également la prise de position pro-marocaine de l'ancien régime sur le règlement du conflit au Sahara occidental. Ou encore le fait que le président déchu ait agité pendant des années le spectre du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) comme thèse accréditant un complot externe visant à déstabiliser le pouvoir mauritanien et ce, afin de susciter une aide militaire et financière dans le cadre de la lutte antiterroriste et élaguer le débat sur les problèmes internes. Les suspicions et les avis mitigés après l'attaque, l'année dernière, d'une caserne de l'armée mauritanienne par des éléments du GSPC à Lemgheity, près de la frontière algéro-mauritanienne, font également parti d'un passé révolu. Depuis l'arrivée au pouvoir du colonel Ely Ould Mohamed Vall, le dialogue a repris de plus belle entre les deux capitales. Le CMJD n'ayant pas non plus oublié le geste d'Alger qui a été le seul pays de la région à envoyer un ambassadeur au même titre que les USA, la France et Israël. Alger et Nouakchott ont aujourd'hui d'autres préoccupations. à la fois politique, diplomatique, économique et sécuritaire. La sécurisation du Sahel contre le terrorisme et la stabilité de la région dans un contexte marqué par la dernière sortie de Mouammar Al-Kadhafi appelant les populations du Sud à se fédérer, dans des velléités séparatistes, pour son mythique projet du “Grand-Sahara” sont autant d'enjeux importants pour les deux pays. Les deux étant intrinsèquement liés. Les méandres ethnico-tribaux pouvant constituer un terreau facile au recrutement des volontaires par les groupes salafistes. Les deux pays ayant au moins un ennemi commun, le GSPC, représenté par le chef des groupes du Sud, Mokhtar Belmokhtar. Impliqués dans l'initiative américaine Pan-Sahel, Alger et Nouakchott ont pour objectif commun la sécurisation des frontières communes par la lutte contre le terrorisme, la contrebande, le trafic d'armes ou l'immigration clandestine. Cet objectif intègre également le Mali, le Tchad et le Niger. Outre une convergence de vues sur la question du Sahara occidental et la construction du Maghreb, Alger veut également regagner le terrain perdu tant au plan économique. Un terrain dont les Marocains ont profité ces dernières années. Tous secteurs confondus, les hommes d'affaires sont invités à prospecter le territoire mauritanien. La route Tindouf-Kiffa-Choum, construite par l'Algérie, est également prétexte à un rapprochement stratégique pour les uns et les autres. Axe routier dans une région désertique, il permettra tout en désenclavant une grande partie de la Mauritanie d'offrir à l'Algérie une porte directe sur l'Atlantique. Avec, en prime, la signature — à l'occasion de la 15e session de la Grande commission de coopération, en mars dernier, à Nouakchott, et à à laquelle a assisté Ahmed Ouyahia — de neuf accords de coopération couvrant les domaines de l'énergie, de la santé, de l'éducation, de la formation professionnelle, du social et de la jeunesse et des sports. Un accord consulaire visant la réglementation de la circulation des biens et des personnes ainsi que la protection des ressortissants des deux pays, a également été signé. Doucement, mais sûrement, les relations bilatérales algéro-mauritaniennes prennent un nouvel essor. Alger et Nouakchott veulent, aujourd'hui, dépasser les tensions antérieures et reconstruire des relations stratégiques. C'est dans ce cadre que s'inscrit le déplacement du président du Conseil mauritanien. Depuis le renversement de Mouaouiya Ould Taya, en août 2005, Alger ne se contente plus d'observer, elle se repositionne. Samar Smati