L'élargissement du champ de la compréhension mutuelle entre l'avocat et le magistrat et le dépassement de leurs contraintes professionnelles sont les deux thèmes centraux d'une journée d'étude ayant regroupé, avant-hier, au musée Ahmed-Zabana à Oran, les magistrats et les avocats des barreaux des cours de l'ouest du pays. Plus de 100 participants, pour la plupart des magistrats de siège et de parquet ainsi que des avocats issus de différents barreaux de l'Ouest, ont pris part aux travaux de cette journée d'étude placée officiellement sous le signe de la relation entre la défense et la justice. L'instauration d'un code de déontologie du corps des magistrats et l'adoption du code de l'éthique de la profession d'avocat ont constitué le socle à un débat qui a aiguisé l'appétit des magistrats sur les prérogatives de la défense. Un intervenant a affirmé que 23 000 avocats attendent toujours l'adoption du code de déontologie curieusement mis sous le boisseau depuis plus de deux ans par le ministère de tutelle. Mais c'est à travers les échanges de propos, parfois acerbes, entre les magistrats et les avocats que le véritable débat s'installe parmi les participants. Djamel Laïdouni, président du Syndicat national des magistrats (SNM) a abordé la problématique de la relation entre le magistrat et l'avocat en suggérant la “création d'un cadre perfectible devant favoriser la relation de travail entre le magistrat et l'avocat”. “Une relation de travail particulière, puisque les 3 000 magistrats et les avocats veillent au respect de l'égalité du justiciable devant la justice”, a ajouté le président du SNM. Mais, comment mettre à contribution l'expérience fort enrichissante des doyens de la défense et de la magistrature qui plaident pour “un juste retour aux choses ?” Me Houari Ouahrani, bâtonnier de l'Ordre des avocats d'Oran, a insisté sur la nécessité de promouvoir les outils de la justice, appelant les avocats à adhérer à l'esprit de la Conférence nationale des avocats qui s'est tenue en mars à Club-des-Pins (Alger). Ainsi, tout au long de cette rencontre, magistrats et avocats ont appelé au respect des fondements de la loyauté, de la neutralité, de l'impartialité et surtout du courage. Boussouf Moussa, magistrat et membre du SNM, a dressé un réquisitoire virulent. “Des avocats, devenus des directeurs centraux, ont sévi contre leurs confrères d'hier, des magistrats, nommés au ministère de tutelle, ont tourné casaque et certains magistrats promus au rang de ministre de la Justice sont devenus le fer de lance de la lutte contre l'indépendance des magistrats, bafouant, de ce fait, les droits élémentaires de la défense”, s'est écrié le magistrat sous un tonnerre d'applaudissements mêlés des avocats et des magistrats. Selon l'orateur, une charte de l'éthique de la profession de magistrat, composée de 17 points, est “bloquée au niveau du Haut-Conseil de la magistrature qui ne veut pas se prononcer”, a fait remarquer Boussouf Moussa. Un intervenant ira jusqu'à proposer un triptyque pour la défense de la liberté d'expression, de l'indépendance de la magistrature et du renforcement des attributs des avocats. “Les avocats revendiquent leur droit à défendre normalement leurs mandants dans le cadre du respect mutuel régissant traditionnellement la relation entre la défense et la justice”, a indiqué un jeune magistrat de la cour de Tlemcen. Deux communications données par le magistrat, M. Benahmed et le bâtonnier d'Oran ont ponctué cette rencontre qui a été suivie par un débat. Le renforcement de l'indépendance de la magistrature et de la défense ainsi que la valorisation de leurs droits et devoirs ont été soulevés par les participants. La menace verbale et/ou physique et la compromission du juge et de l'avocat sont revenues comme un leitmotiv dans la bouche des intervenants comme un appel de détresse. “Traiter 200 dossiers par jour constitue un manquement grave à l'éthique du magistrat et une violation contre la défense et la liberté de l'individu”, a asséné un magistrat qui a plaidé pour une optimisation des moyens en matière d'instruction des dossiers de justice avec célérité et impartialité. B. Ghrissi