“La pierre qui était serrée dans sa main, je ne la vendrai pas pour 192 millions. Mon frère n'est pas mort pour que je devienne millionnaire”, dira le frère d'une victime. Les parents des martyrs et les blessés du Printemps noir se sont retrouvés, jeudi, au centre culturel de Tizi Rached, dans une réunion prévue par la CADC dans laquelle trois points étaient inscrits à l'ordre du jour : les pourvois en cassation auprès de la Cour suprême après les non-lieux signifiés à deux niveaux de la procédure judiciaire, le rejet des indemnisations et enfin une action pour la libération des détenus. Les parents des victimes se sont succédé pour réitérer des positions auparavant entérinées : le rejet des indemnisations car, pour eux, ce serait vendre le sang de leurs enfants. Un détail de taille a été tout de même relevé par les délégués auquel personne n'avait prêté attention : l'article 23 du décret présidentiel portant statut des victimes du Printemps noir stipule que les indemnisés ne peuvent prétendre à entamer des poursuites judiciaires à l'encontre des assassins de leurs enfants. Détail qui a convaincu davantage les parents des victimes que le pouvoir veut acheter leur silence en leur miroitant des sommes d'argent exorbitantes, qu'ils oublient la tragédie qui leur est arrivée. Chose qu'ils ne pourront jamais admettre, du moins selon leurs déclarations, avant-hier, à Tizi Rached : “Je veux voir celui qui a assassiné mon fils”, s'est écriée la mère d'une victime alors que tous ont déclaré : “Je suis prêt à payer la même somme au pouvoir que celle qu'il nous propose, mais qu'il juge les assassins !” Khellaf Raâb, frère d'une autre victime du Printemps noir, à Idjeur, dira que pour rien au monde il ne vendra le sang de son frère, mort avec une pierre dans sa main. “La pierre qui était serrée dans sa main, je ne la vendrai par pour 192 millions ! Mon frère n'est pas mort pour que je devienne millionnaire !”, a-t-il déclaré à l'assistance. Dda Saïd Mokrab, père d'une victime de Larbaâ Nath Irathen, est convaincu que c'est le pouvoir qui a orchestré l'intox pour semer la suspicion et faire croire que quelques parents des victimes ont déposé des dossiers pour se faire indemniser et ce, pour encourager le reste à le faire. D'ailleurs, il estime qu'il existe beaucoup de faux blessés des événements. “Le sang de nos enfants n'est pas à vendre. Nous demandons que justice soit faite, et quel que soit le prix à payer, nous irons jusqu'au bout, quitte à nous traiter de radicaux. Qu'ils me donnent toute l'Algérie, je ne vendrai par le sang de mon fils. A la maison, chaque fête est devenue un enfer”, dira-t-il, les larmes aux yeux. A l'issue de la réunion, les parents des victimes et les blessés ont décidé de poursuivre la procédure judiciaire auprès de la Cour suprême, de faire une déclaration pour rejeter, encore une fois, les indemnisations et organiser une action pour exiger, en même temps, la libération des détenus, le jugement des assassins et enfin la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur. Dans la déclaration rendue publique, les parents de martyrs du Printemps noir ont réitéré leur “engagement en faveur du mouvement citoyen qui lutte pour la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur explicitée à Larbaâ Nath Irathen scellée et non négociable” et réaffirment leur rejet, “dans le fond et dans la forme, du décret présidentiel portant indemnisation des victimes du parachèvement de l'identité nationale ainsi que notre exigence du jugement par des tribunaux civils de tous les assassins de nos enfants, de la reconnaissance par l'Etat du statut du martyr de toutes les victimes du Printemps noir”. Aussi, ils exigent la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus du mouvement citoyen. “Pour ce, nous parents de martyrs et blessés du Printemps noir arrêtons le principe d'une action dont la date sera arrêtée ultérieurement et réitérons notre détermination à poursuivre le combat jusqu'à la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur explicitée à Larbaâ Nath Irathen. Non au marchandage du sang de nos enfants, gloire à nos martyrs”, conclut la déclaration. La forme et la date de l'action seront décidées jeudi lors du conclave extraordinaire de la CADC à Tizi-Rached. K. S.