Le bras de fer entre Paris et Washington au sujet de l'Irak n'est pas près de prendre fin au vu de la détermination américaine à faire la guerre et la position ferme de Chirac pour une solution pacifique. Les Etats-Unis et la France poursuivent leur chassé-croisé au Conseil de sécurité de l'ONU. En réponse au projet d'une deuxième résolution parrainé également par la Grande-Bretagne et l'Espagne, déposé par l'ambassadeur américain aux Nations unies lundi dernier, le représentant français a remis un mémorandum cosigné par la Russie et l'Allemagne pour la poursuite du désarmement pacifique de l'Irak. Bien que le texte de la seconde résolution ne fixe aucune échéance précise pour le déclenchement d'une opération militaire, il n'en demeure pas moins que les observateurs le considèrent comme le début du compte à rebours pour le lancement de l'attaque contre Bagdad. Le fait que le contenu stipule que “l'Irak a manqué la dernière chance qui lui était offerte dans la résolution 1 441” constitue une allusion claire à un recours de l'utilisation de la force contre ce pays. Ceci dit, les initiateurs du projet ne demandent pas un vote dans l'immédiat et préfèrent attendre le rapport que présentera Hans Blix le 7 mars prochain, qu'ils espèrent défavorable à Bagdad pour éventuellement forcer la main aux membres du Conseil de sécurité jusque-là indécis, mais dont le vote sera important pour faire pencher la balance du côté américain. Pendant ce temps, la diplomatie française n'a pas chômé. L'ambassadeur de Paris à l'ONU, M. De Lasablière, a présenté le mémorandum appuyé par Berlin et Moscou, stipulant que “l'option militaire ne devrait être qu'un dernier recours” et que “pour l'instant, les conditions d'utilisation de la force contre l'Irak ne sont pas réunies”. Une manière de dire que, pour le moment, le régime de Saddam Hussein n'a pas fermé la porte de la coopération, d'où la nécessité de renforcer les inspections avec des calendriers clairs pour l'évaluation. Le mémorandum précise, par contre, que les inspections “ne peuvent se poursuivre indéfiniment” et que “l'Irak doit désarmer et sa coopération complète et active est nécessaire”. Là aussi, la France ne laisse pas de brèches aux partisans de la guerre pour dire qu'elle est contre le désarmement du régime irakien incluant dans sa proposition un échéancier pour la réalisation de cet objectif. L'option diplomatique est soutenue par Moscou, qui a dépêché à Bagdad son ex-premier ministre, Evgueni Primakov, sur instruction de Vladimir Poutine, afin d'exiger davantage de coopération des autorités irakiennes avec les inspecteurs onusiens. Saddam Hussein se serait engagé à n'épargner aucun effort dans ce sens. Les Chinois campent eux aussi sur leur position de soutien à la formule diplomatique pour régler la crise irakienne, malgré la visite à Pékin de Colin Powell, qui aurait ainsi échoué dans sa tentative de les convaincre de rallier le camp des Américains. Bien que décidés, à en croire les déclarations de George Bush, à utiliser la force en piétinant la légalité internationale, les Etats-Unis cherchent néanmoins à obtenir l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU pour donner plus de crédibilité à leur action. Et pour atteindre ce but, ils s'attellent à convaincre, par tous moyens, les six membres non permanents du Conseil de sécurité — que sont l'Angola, le Cameroun, le Chili, la Guinée, le Mexique et le Pakistan, pour l'instant favorables à la poursuite des inspections — de changer de camp. C'est de leur position que dépend la “légalité” d'une action militaire américaine contre l'Irak. K. A. Corée du Nord Washington reprend l'aide alimentaire Les Etats-Unis ont annoncé, hier, la reprise de leur aide alimentaire à la Corée du Nord en dépit de la confrontation avec Pyongyang sur ses ambitions nucléaires. Le secrétaire d'Etat, Colin Powell, qui assistait à Séoul à l'investiture du président Roh Moo-Hyun, a précisé que les Etats-Unis enverraient 40 000 tonnes de produits agricoles cette année au Nord et étaient prêts à y ajouter 60 000 autres tonnes. L'aide alimentaire à la Corée du Nord avait été suspendue en décembre pour des questions budgétaires au Congrès américain mais sa reprise a été depuis rendue possible par le passage du budget 2003. L'annonce a été faite à l'occasion de l'investiture du président sud-coréen, Roh Moo-Hyun, qui souhaite une détente dans la péninsule, mais elle a aussi coïncidé avec le tir d'un missile nord-coréen en mer du Japon. Ce tir, lundi dernier, a provoqué de nouvelles tensions au moment où Washington et Pyongyang restent divisés sur les moyens de sortir de la crise sur le programme nucléaire du régime stalinien.