Au cours de l'audience, le président du tribunal criminel d'Alger a déclaré : “Amari Saïfi est considéré comme non détenu.” Saïfi alias “El-Para” a pourtant été remis aux autorités algériennes par la Libye le 27 octobre 2004. Reporté à plusieurs reprises, le procès de l'affaire “El-Para” a eu lieu hier au tribunal criminel d'Alger en l'absence du principal accusé. Avant le début de l'audience, le magistrat a appelé les accusés pour s'assurer de leur identité, et quand il arrive à Amari Saïfi, constatant son absence, il instruit le greffier de prendre acte de cette carence. Interrogé par Me Khiar Tahar sur la situation d'“El-Para”, le président du tribunal répondra : “pour le tribunal, Saïfi Amari est absent, et pour cela nous avons décidé d'appliquer la loi, et nous le jugerons par contumace à l'issue du procès des accusés présents.” L'audience a été relativement courte car le dossier ne repose que sur les déclarations des accusés devant la police judiciaire. Les avocats de la défense ont relevé qu'excepté lesdites déclarations, il n'existe aucune preuve matérielle contre aucun des cinq mis en cause présents. Selon l'arrêt de renvoi, cette affaire est en réalité une ramification d'un autre dossier, à savoir “l'affaire Kobi” sur laquelle enquêtaient des policiers de Batna. Durant leur enquête, les policiers découvrent l'existence d'un autre groupe du GSPC activant dans l'ombre dans la capitale des Aurès. Leurs investigations leur permettent d'aboutir à l'arrestation de Bounahas Badredine qui reconnaît appartenir à un groupe terroriste. Lors de son audition par la police, il avoue avoir rencontré Momo Samir, un terroriste proche d'“El-Para” et qui a été abattu par les forces de l'ordre. Bounahas a affirmé aussi avoir acheté des effets vestimentaires, du ravitaillement et des médicaments pour le compte du GSPC. Il reconnaît aussi avoir contacté Azzouz Mohamed-Salah et son frère Walid sur instruction de Momo qui voulait les rencontrer en vue de leur recrutement. C'est aussi lui qui a organisé l'entrevue entre le chef du GSPC et les deux frères. C'est un autre responsable du GSPC de Batna, à savoir Mansouri Farouk (abattu par les forces de sécurité) qui lui remettait des tracts subversifs pour les distribuer et les afficher sur les murs de la ville. Il soutiendra aussi que les deux frères recrutés utilisaient la voiture de leur aîné pour le transport du ravitaillement du groupe terroriste. Arrêté à son tour quelques jours après, Azzouz Mohamed-Chérif passe lui aussi aux aveux. Il reconnaît son appartenance au groupe et s'attribue les mêmes tâches que le premier mis en cause. Lui aussi affirme avoir effectué des achats pour le compte du GSPC. Les investigations des policiers aboutissent à d'autres arrestations, à savoir celles de Nadji Abdelwahab, de Azzouz Walid et de Nourani Salah-Eddine. Ces mis en cause reconnaissent leur appartenance à un groupe terroriste. Comme ce groupe activait dans la région de Batna (la zone 5 selon le découpage du GSPC), les policiers décident de poursuivre Amara Saïfi. Présentés devant le juge d'instruction d'Alger (certaines juridictions se sont spécialisées dans les affaires terroristes), les 5 accusés sont inculpés tout comme Amara Saïfi d'appartenance à un groupe terroriste visant à semer la mort et la terreur parmi la population. Devant le magistrat instructeur, tous les accusés se sont rétractés, excepté Azzouz Mohamed-Chérif qui a continué à reconnaître les faits. Hier devant le tribunal criminel, tous les accusés ont nié leur appartenance au GSPC. Ils ont tous déclaré avoir fait de faux aveux sous la contrainte. Même Azzouz Mohamed-Chérif a abondé dans ce sens en affirmant en contrepartie de telles déclarations, les policiers lui avaient promis la liberté provisoire. Il estimera que son frère n'a rien à voir dans cette affaire, au même titre que tous les autres accusés qu'il a chargés sous la contrainte des policiers. Le procureur général ne l'entend pas de cette oreille et estime que les accusés formaient réellement un groupe terroriste et que chacun avait un rôle bien déterminé. Il requiert 20 ans de réclusion contre chacun des accusés. Les avocats de la défense ont tous plaidé non coupables et ont réclamé à l'unisson l'acquittement de leurs clients respectifs. Plaidant pour Azzouz Mohamed-Chérif, Me Aïssani déclare : “Malgré des aveux aussi importants, mon client a bénéficié de la liberté provisoire. Quelque part les promesses qui lui ont été faites ont été tenues.” Un autre avocat s'étonne comment le nom de son client a été cité, alors qu'il habite à Ouargla. Après une longue délibération le tribunal prononce le verdict : Bounahas Badredine et Azzouz Mohamed-Chérif sont condamnés à 3 ans de prison ferme chacun. Les 3 autres accusés ont bénéficié de l'acquittement. Le tribunal criminel sans les jurés prononce ensuite la sentence de la perpétuité par contumace contre “El-Para”. Le tribunal a suivi le réquisitoire du parquet. Saïd Ibrahim