Selon Anis Rahmani, directeur de rédaction du quotidien arabophone El Chourouk, l'affaire a été expédiée. Le tribunal d'Hussein Dey a condamné hier à six mois de prison ferme deux journalistes du quotidien arabophone El Chourouk (le directeur de publication M. Ali Fodil et la journaliste Naila Berrahal), dans un procès intenté par le Guide libyen, le colonel Maâmar Al-Kadhafi. Cette peine est assortie d'une amende de 20 000 DA chacun et de 500 000 DA de “dédommagement” en faveur du Guide libyen, le colonel Maâmar Al-Kadhafi. Le tribunal d'Hussein Dey a également prononcé la suspension du journal pendant deux mois. L'affaire concerne deux articles parus dans les colonnes du journal, les 3 et 12 août 2006, et qui, selon les motifs de la plainte déposée par l'ambassade de Libye à Alger, portent atteinte non seulement à sa personne, mais aussi à la souveraineté de la Libye et de l'Algérie. L'un des deux articles en question suggérait, en effet, des “lectures” aux appels du Guide libyen à l'union des Touareg pour la création d'un “Etat indépendant” qui s'appellera “le Grand Sahara” et qui s'étalera du Tchad jusqu'à l'Irak. L'autre révélait l'implication directe du Guide libyen dans ce processus en envoyant un avion militaire à Tamanrasset pour transporter des Touareg algériens jusqu'à Tombouctou pour discuter justement de sa proposition. “C'est un verdict politique, la justice n'a pas laissé le temps à nos avocats de constituer un dossier de défense. Nous n'avons pas eu le temps d'appeler nos témoins à la barre”, regrette M. Anis Rahmani, directeur de la rédaction du quotidien El Chourouk. “Du jamais vu”, selon notre interlocuteur. L'affaire a été expédiée en une seule journée. Il faut savoir que le parquet avait requis une peine maximale contre l'auteur du reportage et le premier responsable de la publication, ainsi qu'une suspension de trois mois du journal. “Au départ, le numéro de dossier de notre affaire avait le chiffre 81 ; à notre arrivée au tribunal, le dossier a été décalé jusqu'à numéro 15. Nos avocats ont fait le maximum, mais la décision était déjà prise”, s'indigne-t-il. Pour sa part, Mouna Amimout, avocate, représentant la partie plaignante, les informations données par les auteurs des articles en question ne sont que “des accusations infondées et diffamatoires” à l'égard du Guide libyen. L'avocate doute de la “fiabilité” des sources d'information et relève le fait que la journaliste ne citait pas une source identifiable. Du côté du journal, on défend le fondement des informations citées dans les deux articles. “La journaliste s'est fondée sur des témoignages de Touareg qui ont aperçu l'avion de leurs yeux ; d'ailleurs, le journal a publié les noms des témoins”, soutient Anis Rahmani. Décidé, il déclare que le quotidien n'est pas près de se taire et d'“accepter ce verdict”. “Nous allons faire un recours”, dit-il. En attendant les suites de cette affaire, ce procès, premier du genre dans la jeune histoire de la presse algérienne, risque de constituer un précèdent grave dont les conséquences dépassent de loin la défense de la liberté de presse en Algérie. Nabila Afroun