Cette autorité religieuse appelle les musulmans à défendre leurs territoires. En passant outre le droit international, Bush, qui a renforcé le sentiment antiaméricain, est en train de casser la coalition antiterroriste. Partis pour faire la guerre au terrorisme international, juste après les attentats qui les ont ciblés le 11 septembre 2001, les Etats-Unis, qui s'apprêtent, envers et contre tous, à intervenir en Irak, risquent de remettre en cause tous les efforts de la communauté mondiale pour endiguer ce phénomène. Pis, ils sont en train de réunir tous les ingrédients pour son exacerbation. Si le pays de Bush persiste dans sa logique guerrière, c'est tout simplement cette cohésion tissée autour d'un objectif commun, mettre fin à l'organisation terroriste de Ben Laden et ses ramifications à travers le monde, qui va voler en éclats. Tous les observateurs de la scène internationale le disent : l'obstination de Bush à passer outre le droit et la légitimité internationaux pourrait précipiter l'occident surtout et le monde entier dans une crise autrement plus aiguë que celle qu'il prétend vouloir résoudre en s'attaquant à l'Irak. Autant l'Administration Bush s'obstine à attaquer le pays de Saddam Hussein autant le sentiment antiaméricain va crescendo et la lutte internationale antiterroriste a peu de chance d'aboutir. Même les islamistes dits modérés sont à même de basculer vers l'extrême. Et la position de la plus haute autorité de l'islam sunnite en est la plus parfaite illustration. Le comité des recherches théologiques d'Al-Azhar n'a pas seulement condamné hier “toutes les tentatives des Etats-Unis qui visent, à travers le déploiement militaire, des millions d'humains de la nation arabe ainsi que leurs valeurs sacrées”, mais incite les musulmans “à ne pas faiblir devant cette agression, et s'opposer à toute tentative d'occuper leurs territoires”. Le message est clair. Tous les moyens qui permettront de défendre la terre d'islam sont licites. Voilà une aubaine inespérée pour Ben Laden et Al-Qaïda. Si le chef de l'organisation terroriste avait des difficultés à légitimer son discours ou à trouver des recrues de par le monde, son ennemi Bush lui tend la perche et lui vient au secours. Celui qui a secoué l'Amérique un certain 11 septembre 2001 peut, aujourd'hui, trouver des kamikazes parmi les plus “softs” des musulmans du monde. Bush lui en a offert le terreau d'autant plus qu'il porte le conflit qu'il a ouvert sur le terrain religieux. Chrétien protestant s'affichant avec la droite ultra-religieuse, ressemblant plus à un partisan de l'orthodoxie et nostalgique des Croisades, le chef de la Maison-Blanche s'est bien mis, ces dernières semaines, à provoquer le monde musulman par le biais de l'Irak. Pour lui, la guerre contre ce dernier est “une lutte du bien contre le mal”. Chose d'ailleurs qui ne peut convaincre le reste de la communauté internationale de sa sincérité quant à la lutte antiterroriste. Beaucoup de pays occidentaux, entre autres la France qui a renforcé son dispositif de sécurité, même s'ils s'opposent à la guerre, se préparent à parer à toute éventualité. Ils savent pertinemment qu'une guerre contre l'Irak est susceptible d'avoir de lourdes incidences sur leur sécurité interne. L'Agence internationale de l'énergie atomique a déclaré, hier, que des terroristes pourraient utiliser des bombes radiologiques, ou “bombes sales”, sans égard pour leur propre vie. Voilà une alerte à prendre au sérieux. Si Bush est arrivé, en effet, à sacrifier la solidarité internationale contre le terrorisme au profit de la guerre contre Saddam, c'est qu'il y a anguille sous roche. Ses motivations sont autres que l'insécurité de la communauté mondiale. Et c'est pour cela que tout ce qui a été fait jusque-là peut tomber à l'eau. Est-il alors possible de dire que Ben Laden va réussir là où Bush va certainement se casser les dents, pas du point de vue militaire ! S. R.