Les relations algéro-vénézuéliennes sont appelées à connaître un essor important, selon le représentant diplomatique du gouvernement d'Hugo Chavez en Algérie, qui s'attelle à élargir le champ de coopération entre Alger et Caracas. Liberté : En mai 2006, l'Algérie a signé deux accords de coopération avec le Venezuela ; l'un concerne le transport maritime et l'assistance aux navires, l'autre porte sur l'échange d'expériences dans le domaine de la formation de jeunes diplomates. Cinq mois après, est-ce que des actions concrètes ont été entreprises dans ces domaines ? Michel Mujica : En matière de traités, tout a été fait. Maintenant, il faut instrumentaliser cet accord. C'est dans ce sens qu'une délégation vénézuélienne spécialisée dans le domaine de la pêche est arrivée en Algérie, il y a un mois de cela. Nous sommes en train de prospecter pour élargir notre coopération dans d'autres domaines comme celui des transports maritime et aérien. D'ailleurs, le projet d'ouverture d'une ligne aérienne Alger-Caracas est à l'étude. Nous travaillons également avec le ministère de l'Education nationale et celui de l'Enseignement supérieur pour signer un accord d'échanges scientifiques entre nos deux pays. Nous sommes très intéressés par la création d'une sorte de coopération entre les chercheurs algériens et vénézuéliens dans plusieurs domaines, notamment l'archéologie, l'anthropologie, l'histoire et la sociologie. Quel est le niveau de concertation entre le Venezuela et l'Algérie en vue de maintenir les prix du pétrole à un certain niveau afin de sauvegarder les intérêts des pays producteurs ? Il faut savoir que l'idée de la création de l'organisation mondiale de l'OPEP vient d'un grand chercheur vénézuélien qui se nomme Juan Pablo Pérez Alfonso. En créant cette organisation, il voulait préserver et garantir les intérêts des pays exportateurs de pétrole. Cette année, lors de la réunion de l'OPEP, le Venezuela est revenu sur ce principe, en proposant un prix plancher de 50 à 60 dollars le baril. L'idée du prix plancher consiste à ne pas descendre en dessous de ces prix, car notre pétrole doit être gardé et garanti sur des générations, la majorité des pays membres de l'OPEP vivant des revenus de l'exportation de cette énergie. Le gouvernement vénézuélien a décidé de “renationaliser” le secteur des hydrocarbures. Quelles sont les motivations d'une telle démarche ? Le gouvernement vénézuélien ne respectait pas les normes de la production pétrolière comme cela a été défini par la Constitution. La politique d'exploitation se basait sur l'augmentation de la production au détriment des réserves de notre pays. Il est à signaler qu'en 1976, le gouvernement vénézuélien avait nationalisé l'industrie pétrolière, mais le cadre du travail est resté le même. Le gouvernement ne pouvait pas contrôler les compagnies d'exploitation, notamment les sociétés étrangères. Le président Chavez, après avoir été élu, a changé de stratégie d'exploitation pétrolière qui consiste à exercer un contrôle permanent de l'Etat sur l'exploitation des compagnies pétrolières de notre pays. Suite à cela, une crise pétrolière s'est déclenchée au Venezuela. C'était en décembre 2002 jusqu'à la fin du mois de janvier 2003. D'ailleurs, nous remercions le gouvernement algérien qui nous a aidés à redémarrer l'industrie pétrolière qui venait de naître avec la renationalisation. Pensez-vous que la Sonatrach pourra développer un partenariat avec les sociétés vénézuéliennes ? Le soutien de l'Algérie lors de cette crise était une première coopération entre les deux pays. Nous avons montré au monde que nous sommes capables de tisser des liens de solidarité entre les pays producteurs, qui sont au-dessus des intérêts économiques. Lors des activités prévues à l'installation de la 141e réunion extraordinaire de l'OPEP, qui a eu lieu au mois de juin dernier à Caracas, l'entreprise pétrolière du Venezuela, PDVSA, a signé un accord de confidentialité avec Sonatrach. Un accord qui stipule l'union de leurs efforts dans l'exploitation de la matière première. La société vénézuélienne PDVSA espère profiter de l'expérience de l'entreprise algérienne Sonatrach, surtout dans le domaine de l'industrie du gaz. Le gouvernement bolivarien, pour sa part, a assuré que l'expérience partagée coïncide avec les besoins du projet de la côte Périphérique et le grand gazoduc du Sud qui va distribuer le gaz dans toute l'Amérique du Sud. La coopération débutera d'abord par un échange d'études et d'évaluations avant de commencer l'exploitation de la Barcelona (Etat Anzoátegui), un domaine qui possède un potentiel de production qui dépasse les 1 500 millions de pieds de cubes par jours. Le gouvernement bolivarien a révélé également son intérêt de s'allier avec l'Algérie pour la création d'une flotte de transport pétrolier maritime et de commerce en général. Nous espérons créer un partenariat avec l'Algérie. Le Venezuela et l'Algérie tentent de ranimer le mouvement des non-alignés. Quelles sont les chances de voir cette organisation reprendre sa place dans un échiquier international marqué par la mondialisation et l'hégémonie américaine ? Effectivement, nous essayons de relancer le mouvement des non-alignés, et l'Algérie adhère à cette idée. Nous pensons que c'est le moment ou jamais de nous unir, car c'est le seul moyen de changer les choses et de devenir membre du Conseil de sécurité de l'ONU. Nous avons besoin de démocratiser l'ONU et les relations internationales. Nous devons avoir une voix non complaisante au Conseil de sécurité afin de préserver les intérêts des pays en voie de développement. Ça sera une manière de revoir la mondialisation qui sera différente de celle prônée par les pays occidentaux. Nous constatons actuellement l'arrivée en force des mouvements de gauche au pouvoir dans les pays de l'Amérique latine. Quelles sont, d'après vous, les raisons d'une telle tendance ? La pauvreté et l'exclusion sont les premières raisons de ce revirement. C'est ce qui a poussé à la création des mouvements socialistes et communistes dans plusieurs pays d'Amérique latine. Comment voyez-vous l'évolution des relations internationales entre le Venezuela et les Etats-Unis ? Nous espérons que nos relations connaîtront une évolution positive sans ingérence dans nos affaires intérieures. N. A.