Cycliquement, le problème de l'exportation de la peau brute, matière première des tanneries, revient sur le devant de la scène. L'industrie du cuir, qui représente avec le liège et le verre la quintessence des activités dans la région de Jijel, subit des difficultés d'approvisionnement en peau brute, dont la majorité des collecteurs préfère céder aux exportateurs, notamment des Syriens, des Turcs et des Egyptiens. Des prix plus attractifs et un paiement cash ont vite convaincu l'essentiel des collecteurs à miser sur ces bons payeurs. Le revers de la médaille est vécu au niveau des professionnels du cuir qui n'arrivent plus à trouver les quantités nécessaires pour faire tourner leur usine. Cette situation, qui risque de mettre en péril l'activité et l'avenir des tanneurs, relance une vieille revendication à l'adresse des pouvoirs publics pour interdire, à l'instar de nos voisins tunisiens et marocains, l'exportation de la peau brute, qui est soumise selon la réglementation algérienne à l'établissement d'un certificat sanitaire. Une décision qui ne sera que justice rendue dans un pays où les quantités de peau brute collectées ne sont pas importantes surtout avec la faiblesse du pouvoir d'achat des citoyens, la baisse de la consommation de viande fraîche. En aval par contre, les dégâts sont occasionnés chez les maroquiniers, par l'importation massive de produits asiatiques vendus souvent moins chers. Entrée en activité en 1967, filialisée en 1998, la Spa Tannerie de Jijel emploie actuellement 204 travailleurs. Lors de notre visite à l'usine, nous avons pu constater la morosité qui y règne et la tension générée par cette rareté de matière première qui pourrait se traduire dramatiquement sur cet outil de travail national. Rencontré, Azzedine Hamadi, PDG de la Taj Spa, précisera qu'avant « la combinaison de 85% de peau brute locale avec 15% de quantités importées, on arrivait à se maintenir sur le plan de la rentabilité, mais avec des taux allant jusqu'à 50%, on ne pourra pas s'en sortir ». Les prix à l'importation, affirmera-t-il, « ne nous conviennent pas, puisqu'on se retrouvera avec un produit non concurrentiel pour 135 DA/kg ». Concernant la peau brute locale, M. Hamadi révélera que « bien qu'on ne peut donner n'importe quel prix, on a tout de même cédé sur les prix ». Mais, ajoutera-t-il « le problème se pose au niveau de la trésorerie, car nous ne pouvons payer cash comme le font les exportateurs. Nous aussi nous accordons des crédits à nos clients ». Devant tourner avec 60 tonnes par semaine, l'effort de trésorerie se situe à plus de 4 millions de dinars hebdomadairement, sans compter les autres intrants comme les produits chimiques. Depuis trois mois, l'activité de l'entreprise s'est rétrécie comme une peau de chagrin, alors qu'au premier semestre de l'année en cours, la moyenne journalière avait atteint 8 t/jour, contre un objectif de 12 t/j. « Cette situation, nous dira le PDG, va nous contraindre à faire un plan de redressement pour réduire les effectifs et nous mettre en adéquation avec le niveau d'activité actuel ». Sans cela, lâchera-t-il amèrement, « c'est l'arrêt total ». Les perspectives escomptées durant le deuxième semestre, expliquera-t-il, se sont avérées plus sévères. Ainsi, après le plan de redressement de la fin du premier semestre 2005 qui s'est soldé par la libération de 53 agents, la réduction des effectifs et la contractualisation pointent de nouveau leur nez à la tannerie de Jijel.